Après les histoires chaotiques que Charlie lui a raconté sur cette académie pendant l'été, Constance s'attendait à être jetée dans la fosse aux Némélios dès son premier jour. Elle est au contraire agréablement surprise de l'encadrement dont font preuves les adultes qui accompagnent leur groupe de nouveaux élèves. Ils ne se sont pas arrêtés depuis ce matin, après la première étape de la récupération de leur starter chez le Collectionneur ils ont rapidement été guidés vers les différents bâtiments et pôles de l'académie. Une fois que ceux-ci leur ont été présentés ils se sont vus séparés en plus petits groupes et confiés à leur référent de dortoir. Référente, dans le cas de Constance.

« Enchantée tout le monde ! Je suis la référente de la demeure Mentali, Belladonna Ciaobasta, mais vous pouvez juste m'appeler Belladonna. Et me tutoyer, d'ailleurs ! J'espère que nous allons passer une bonne année toutes ensembles ! Bien ! Euh... »

Elle a l'air un peu... éparpillée ? Perdue, plutôt.

« Nous allons commencer par... une présentation du dortoir ? Oui, c'est bien ! Comme ça après je vous accompagnerais jusqu'à vos chambres et vous pourrez les aménager un peu comme vous voulez jusqu'à ce soir ! »

Constance suit le groupe sans rien dire, mais est bien contente que sa mère ai trouvé un moyen pour que ses bagages soient directement emmenés du bateau à sa chambre, parce qu'en regardant les autres traîner leurs valises derrière eux elle aurait presque pitié d'eux. Au moins sans bagage à porter elle peut se concentrer sur la présentation des lieux de sa référente, celle-ci a l'air fière des aménagements du dortoir et particulièrement de la friperie qu'elle parcoure en long et en large avec le petit groupe derrière elle. La nouvelle Mentali, elle, est beaucoup plus intéressée par les odeurs sophistiquées qui s'échappent du salon de thé à l'angle du rez-de chaussée. De là, Belladonna les mène dans des escaliers, leur expliquant que les chambres sont sur les autres étages de la demeure.

« La mienne est la première en haut des escaliers d'ailleurs, donc n'hésitez pas à venir me voir si vous avez des questions ! Bien, pour la première chambre... »

Les noms s’enchaînent les uns après les autres, certains sont seuls, d'autres à deux ou à trois. Constance sait que Charlie avait une chambre seule l'année dernière, mais elle lui a dit qu'apparemment pour les premières années c'est assez rare. Il faudra monter au deuxième étage pour que Belladonna se tourne enfin vers elle, et l'une de ses camarades.

« Alyssa et Constance ? Parfait ! Voici votre chambre, sur votre bureau vous pourrez trouver un petit pack de bienvenue avec votre Ipok et deux Pokéballs pour aider dans vos débuts ! Dans votre dossier il est écrit que vous vous intéressez toutes les deux à la Spécialité Médecin, ça vous fait déjà ça en commun ! »

Elle semble un peu décontenancée par le manque de réaction de Constance, alors celle-ci lui offre un sourire poli, bien que peu sincère. Le trop plein d'interactions de la journée commence à la rattraper et elle a bien du mal à feindre la moindre émotion. Lorsqu'elle rentre dans sa nouvelle chambre la première chose qu'elle a envie de faire c'est se jeter sur le lit pour faire une sieste avant le repas de ce soir, mais sa politesse autant que son anxiété l'en empêchent. Malgré tout elle ne sait pas trop quoi faire et se contente donc d'un signe de tête rapide vers sa colocataire, assez rapide pour ne pas croiser son regard. Le contact visuel quand Constance est fatiguée c'est vraiment pas évident, pour l'éviter encore un peu plus elle commence à ranger ses affaires, occupe son esprit.

Alyssa avait passé une bonne partie de la matinée à dessiner sa nouvelle amie : Desmonys. Une fois à peu près satisfaite du résultat, la jeune fille s’était hâtée de rejoindre la foule de nouveaux élèves qui faisait route vers une visite guidée des bâtiments importants de l’académie. Alyssa marchait d’un pas rapide pour ne pas se laisser distancer par le groupe, ravie de n’avoir qu’un simple sac à dos à trimballer. Les pauvres élèves qui avaient le malheur d’avoir des valises un peu trop chargées étaient bien peinés lorsqu’ils devaient gravir d’interminables escaliers. La jeune fille aurait bien voulu leur prêter main forte, cependant, elle se ravisait à chaque fois…

Ce fut au niveau des dortoirs que la visite guidée s’acheva. Les élèves furent dispatchés en groupes restreints et confiés à leur référent respectif. A partir d’aujourd’hui, Alyssa ferait partie intégrante des Mentali ! Mentali… Une ombre passa soudainement sur le visage de la jeune fille. Rien de bien étonnant que la lignée évolutive des évolis soit choisie pour distinguer les dortoirs. Cependant, cela rendit la fillette bien nostalgique. Son meilleur ami Phylali lui manquait énormément. Cela faisait maintenant plusieurs années qu’elle vivait avec son souvenir, mais malgré elle, il commençait à s’éroder au fil de l’eau…

Perdue dans ses pensées, Alyssa avait suivi machinalement ses camarades de maison. Sa référente, Madame Belladonna Ciaobasta, entamait l’attribution des chambres. Parfois elle ne citait qu’un nom pour les plus veinardes (ou peut-être juste pour les plus âgées ?), parfois elle en citait deux ou trois. Bien que curieuse de nature, Alyssa n’avait pas pris le temps de reluquer les chambres de l’internat. Elle n’avait aucune idée de ce qui l’attendait. Cependant, il y avait bien une chose qu’elle redoutait : la taille. La jeune fille avait une vision de sa vie avec les pokemons assez particulière. Ayant vécue cinq ans avec une tribu d’évolition, elle avait en horreur de devoir restreindre la liberté de ses partenaires. Maintenir un pokemon en pokeball était, pour elle, une aberration de la nature. Alors… Sachant qu’elle était désormais propriétaire d’un ponyta de Galar… La question de la logistique la taraudait sévèrement…

« Alyssa et Constance ? Parfait ! Voici votre chambre, sur votre bureau vous pourrez trouver un petit pack de bienvenue avec votre Ipok et deux Pokéballs pour aider dans vos débuts ! Dans votre dossier il est écrit que vous vous intéressez toutes les deux à la Spécialité Médecin, ça vous fait déjà ça en commun ! »

Interpellée, Alyssa redressa la tête. Elle venait d’arriver à sa nouvelle chambre. Secrètement, elle avait espéré s’y retrouver seule. Elle aurait alors pu continuer ses entraînements d’éllocution les soirs sans que personne ne soit au courant. Désormais, si elle voulait garder le secret, il lui faudrait ruser et attendre les moments d’absence de sa colocataire… Comment déjà ? Ah oui, Constance !

Naturellement, comme toute personne adulte qui se respecte, Belladona avait essayé de briser la glace entre les deux jeunes filles en tentant de leur trouver des points communs. Soit. Pourquoi pas…

Alyssa s’engouffra dans la pièce à la suite de Constance. Cette dernière semblait éviter le contact visuel avec la mentali, ce qui lui convenait parfaitement ! Cela laissa le temps à Alyssa d’analyser tranquillement le lieu qui lui servirait de résidence pendant cette année scolaire.
La pièce était aménagée pour accueillir deux étudiantes dans une symétrie parfaite. Chacune avait son espace personnel composé d’un lit deux places et de sa table de chevet, d’un coin bureau assez spacieux, d’un grand placard possédant penderie et étagères, d’une commode à trois tiroirs. Pour parfaire le tout, chacune avait un accès à une fenêtre de son côté. Le seul détail qui brisait cette symétrie était la petite porte qui menait sans nul doute à la salle de bain privative qu’elles allaient devoir se partager. Une valise trônait du côté gauche de la pièce, côté de la porte des sanitaires. Alyssa s’en doutait, il s’agissait des affaires de Constance. Hypothèse confirmée lorsque cette dernière entreprit de ranger ses affaires.

« Je prends le côté droit du coup… »

Commença à dire Alyssa, comme si elle marchait sur des oeufs. Elle était vraiment concentrée pour ne rien laisser paraître dans son élocution hasardeuse. Ce n’était pas le moment de bégayer ou de mâcher un mot… Elle ne voulait pas que Constance la juge d’entrée de jeu !

« Moi c’est Alyssa, mais tu peux m’appeler Aly si tu veux ! »

Sa colocataire avait l’air bien plus jeune qu’elle, ce qui la poussa à annoncer son âge.

« J’ai 16 ans, mais je vais sur mes 17 ans d’ici janvier, mais c’est ma première année ici. Et toi ? »

Première année ici ? Comme si ce n’était pas flagrant… Elle avait reçu son starter en même temps que sa colocataire et avait participé à la visite guidée… Super départ dans le style débile ! Bravo Aly !

Si Constance ignore la première remarque de sa colocataire, qui de toute façon n'attend pas de réponse, elle ne peut décemment pas continuer à faire comme si celle-ci n'existait pas. D'autant plus lorsqu'elle fait l'effort de se présenter. Pourtant sa gorge de se sert, impossible de lui répondre, pas directement en tout cas. C'est pas grave elle a l'habitude. Tablette en main la nouvelle Mentali se tourne vers Alyssa et pianote une réponse.

(Je m'appelle Constance, j'ai 13 ans.  Je ne suis pas muette, j'utilise ce carnet parce que je souffre d'un trouble anxieux : le mutisme sélectif. Honnêtement j'aurais préféré être dans une chambre seule et je vais voir avec l'administration plus tard pour voir si on peut changer. En attendant je ne pense pas que ce soit nécessaire que l'on fasse plus connaissance que ça. Ma jumelle risque de passer plus tard par contre, si ça ne te dérange pas.)

C'est peut-être direct comme approche, mais au moins ça a le mérite d'être sincère. Constance pense que si sa colocataire avait demandé à changer de chambre dans son dos elle l'aurait mal pris, en la prévenant de la sorte elle croit faire preuve de compassion. Reposant sa tablette elle recommence à ranger ses affaires, elle s'attendait bien à avoir une grande chambre vu les frais à l'année de l'académie mais elle avoue être surprise devant la taille des placards qui leur sont donnés.

La Mentali a beau vouloir changer de chambre elle prend quand même le temps de vider sa valise, juste au cas où ça ne soit pas accepté, ou que le processus prenne plus de temps que nécessaire. Au final elle ne remplit même pas la moitié de l'espace rangement qui leur est accordé, une information qu'elle ne compte pas donner à sa mère. Elle l'imagine déjà lui envoyer tout un tas de vêtements qu'elle ne portera jamais. Non, elle préfère garder le reste d'espace disponible pour ranger son matériel de peinture. Du coin de l’œil elle remarque des carnets à dessin du côté de sa colocataire, elle ne dit rien mais se demande bien quel peut être son niveau. Est-ce que c'est un hobby ou quelque chose de plus sérieux ? En parlant d'art d'ailleurs...

« Duende... »

Prenant la Pokéball de sa starter en main, elle murmure son nom pour l'appeler. La Lépidonille apparaît dans un flash blanc et cligne des yeux un moment avant de repérer sa dresseuse. Contrairement à sa jumelle, Constance n'a pas mis longtemps à trouver un surnom pour son premier Pokémon. Il faut dire qu'elle avait déjà un thème en tête avant de venir ici, les membres de son équipe auront tous des surnoms liés de manière plus ou moins lointaine au monde de l'art. Duende a hérité de ce surnom par rapport à son caractère un peu farceur dès leur première rencontre mais aussi pour la beauté de son dernier stade d'évolution.

« Nille ! »

La Lépidonille, ravie d'être sortie de sa Pokéball, se met directement à essayer de grimper sur les jambes de Constance pour lui réclamer des câlins. Un discret sourire amusé sur les lèvres celle-ci prend la chenille dans ses bras et lui caresse la tête tandis qu'elle s’assoit sur la chaise devant son bureau. Ses bagages rangés il est temps de voir ce que l'académie leur a donné, elle range les Pokéballs vides dans un tiroir et prend l'Ipok dans sa main. Mmh... même si elles ne restent pas dans la même chambre peut-être que ce serait utile de quand même prendre le numéro d'Alyssa. Reprenant sa tablette elle se tourne vers sa colocataire.

(Tu veux qu'on échange nos numéros ? Ça pourrait être bien étant donné que nous voulons être dans la même Spécialité.)

Treize ans. En effet, elle était bien plus jeune. Pour autant, elle était loin de se démonter la petite ! D’emblée, elle avait mis les choses au clair : elle préférait être seule dans sa chambre et allait faire le nécessaire pour qu’il en soit ainsi. Bien. Aly n’avait rien contre. Au contraire, elle en était même plutôt ravie. Cela éviterait à la jeune fille de se taper des démarches administratives et des explications qu’elle aurait eu du mal à formuler de vive voix.

Alyssa et Constance avaient cependant un point commun : un problème de communication verbale. La nouvelle Mentali nota l’astuce de se servir d’une tablette pour faire passer ses idées. Mais elle la réfuta bien rapidement. Cela serait pour elle l’équivalent de réduire les efforts de ses trois dernières années à néant. Elle avait eu bien du mal à se passer de ses dessins/hiéroglyphes pour communiquer avec ses parents. Dans une seconde phase, elle avait employé la même méthode que Constance mais sur papier. Pour enfin parvenir à surmonter ses lacunes et formuler de vrais mots, avec sa voix. Non. Elle devait se montrer forte. Elle savait parler. Il fallait juste qu’elle prenne son temps et se concentre sans stresser. Après tout, elle avait déjà fait d’énormes progrès !

L’apparition du Lépidonille de sa colocataire dans la chambre fit sursauter Alyssa. Non pas qu’elle en ait eu peur. Juste qu’elle était tellement absorbée dans ses pensées qu’elle ne l’avait pas vu venir ! Peut-être serait-il judicieux qu’elle en fasse de même… Après tout, il semblait y avoir bien assez de place pour que sa Ponyta de Galar chromatique ait la place de se mouvoir convenablement. Imitant Constance, elle appela Desmonys qui apparut devant elle, au pied du lit. Délicatement, elle alla papouiller l’encolure de sa starter qui hennissait de bonheur.

Reportant son attention sur sa colocataire, elle lut le mot inscrit sur la tablette. Son numéro d’Ipok ? Oh bah oui, pourquoi pas après tout… Il fallait bien commencer quelque part. Puis, cela pourrait toujours être utile à l’avenir d’avoir le numéro de sa coloc !

Gentiment, Alyssa se saisit de la tablette de Constance pour y inscrire son numéro. Cette dernière fit sonner l’Ipok de l’adolescente pour partager le sien à son tour.

Super. Que l’année scolaire commence !