27 septembre 2023

Inspire, expire. Inspire, expire.

La main sur sa poitrine, le bleu reprend petit à petit son souffle, sentant sous ses doigts son palpitant battre à un rythme effréné. Une vision. Encore une. Terminée un peu brusquement. A priori, pas de mort. Ou en tout cas il ne l’a pas vu clairement. Mais l’impressionnant coup de volant que ce chauffeur de camion a mis pour ne pas percuter ce groupe de jeune avant d’aller s’encastrer dans le coin d’un immeuble a eu de quoi le brusquer. Ils étaient en ville, alors le véhicule imposant n’allait pas très vite. Il espère sincèrement que ce monsieur va s’en sortir. Il a privilégié la sécurité des adolescents plutôt que sa propre vie. Rien que pour ça, il ne mérite pas de finir comme ça.

Doudou s’est malheureusement réveillé lorsqu’il s’est redressé. A demi conscient, la boule rose agite légèrement les bras pour essayer d’obtenir l’attention de son dresseur. Comme si, par mécanisme inconscient, il s’avait que c’était ça qu’il devait faire. Amusé, le gitan attrape son ami et le glisse dans la capuche du sweat qu’il vient juste d’enfiler. 4 heures 55. Il n’aura dormi que 4 heures cette nuit. Itzan soupire. A ce rythme, il sera plus difficile de compter la durée de ses phases de réveil nocturne plutôt que son temps de sommeil. Cela fait plus de 3 semaines que cela dure, et aucun signe d’amélioration ou de diminution de ses visions. Voir même, elles tendent à s’accroitre. Si seulement sa mère avait bien voulu lui expliquer tout le processus de possession des esprits nocturnes, il aurait peut-être pu essayer de faire quelque chose. Mais maintenant c’est trop tard.

Sans prendre le temps de coiffer ses cheveux, le garçon quitte sa chambre par la fenêtre et la laisse très légèrement entrouverte, de quoi pouvoir rerentrer aux premiers rayons du soleil. Il commence à malheureusement s’habituer à ce manège. Alors, sans hésiter, il prend le chemin en direction du parc des Nymphali. Là-bas, il ne met pas longtemps avant de choisir l’un des dolmens et de s’y appuyer, dans l’ombre de ce dernier créé par la lune.

Là, il peut espérer que son cœur affolé se calme, caché du regard des autres.

Mais plus que ça, c’est plutôt de lui-même qu’il essaie de se dérober. Comme si, ainsi, les esprits nocturnes allaient le laisser tranquille.

27 septembre 2023

Il avait toujours adoré la nuit. C’est un très beau moment où le monde s’apaise et les bruits artificiels s’arrêtent au profit de la nature et de ses merveilles. La lune haut dans le ciel brillant plus ou moins fort en fonction des soirs, les étoiles formants de jolis dessins, les bruits de la faune sauvage, et il en passe. La nuit, c’est aussi un moment de convivialité dans sa culture. Le début de la nuit est le moment des retrouvailles, des danses et chants autour du feu. Un instant privilégié où les langues se délient et où les sourires sont parfois plus radieux, plus apaisé. Et même s’il a toujours eu conscience de la présence des esprits nocturnes, il s’en accommodait, se sentait intouchable.

Maintenant, il a de plus en plus de mal à faire résonner tous ces doux souvenirs en lui. La nuit s’assimile de plus en plus à ses visions, à ses craintes, à sa respiration lourde. Les étoiles lui paraissent bien plus loin, la lune bien moins lumineuse, et la solitude nocturne dans laquelle il se complaisait il y a encore quelques mois lui parait bien plus lourde à porter désormais, enfoncé dans cette détresse dont il ne parvient pas à se sortir.

Et l’arrivée de cet inconnu juste à côté de lui, le visage partiellement caché par sa capuche, ne le ravit absolument pas. Ses phrases sont trop longues, il s’exclame un peu fort, et arrive à tourner avec une certaine forme d’amusement leurs conditions d’insomniaque. Mais tout ça n’amuse pas le bleu, et ne trouve aucune satisfaction au fait de se réveiller de cette façon chaque nuit, le poussant à fuir sa chambre qui n’est aujourd’hui plus que le théâtre de ses cauchemars.

Mais il ne peut pas interdire cet autre élève de s’assoir là. Parce qu’il est certain qu’il n’est pas le seul à souffrir d’un esprit agité (quoi qu’il est surement le seul à avoir des visions du futur). Ca ne serait pas juste de sa part de s’imposer de cette façon. Mais la voix de cet étudiant le fait frissonner. Il n’est pas prêt. Il a encore la place de résister.

Alors, doucement, il se redresse et surplombe le jeune homme qui s’est assis à côté de lui. Il ne lui demande même pas son nom, quoi que ce soit. Il ajoute simplement.

— Je te laisse la place. Je vais aller ailleurs.

Aujourd’hui, Itzan a la force de résister, de fuir ce qui le dérange, ce qu’il ne veut pas affronter.

Mais ça risque de ne pas durer.