Le regard de ma cousine remonta vers moi, finalement. Elle m'avait écouté, elle commencait à comprendre, à traiter l'information. Puis, la rousse vint se serrer dans mes bras alors que je l'étreignis de nouveau, non sans un froncement de sourcils. C'était pour la bonne cause. J'allais devoir interagir avec elle toute ma vie durant, il s'agissait de ma cousine. Peu importe ce que nous réservait l'avenir, ce lien de sang ne disparaîtrait jamais et c'est pour cela que je devais être dans ses bonnes grâces. Jusqu'à la fin, j'aurais besoin de l'avoir dans ma poche et de savoir la manipuler du bout des doigts telle une fine marionnette. Et maintenant, elle aurait une dette envers moi. Je serais celui qui l'avait aidée à ne pas sombrer au plus profond du précipice. Ce serait utile, forcément, un jour. Tremblant au creux de mes bras, les larmes ne tardèrent toutefois pas à s'afficher sur son visage déjà si fatigué. Je la laissai pourtant faire, caressant son dos de la main en un geste affectueux censé la réconforter. Se forçant, elle réussi à parler, s'excusant d'entrée de jeu avant de poursuivre sur sa lancée. J'étais là pour elle et, pourtant, la Pyroli arrivait à me causer du soucis. Voilà qui était on ne peut plus vrai, mais valait mieux que je le garde pour moi. Tout ceci était trop pour les frêles épaules de la rousse et, maintenant, elle devait simplement aller de l'avant. Bonne résolution, oui. Ne pas vouloir perdre ses amis, ne pas vouloir s'éloigner non plus, je ne comprenais pas trop ce qu'elle voulait dire par là, mais pourquoi pas, ça ne m'empêchait pas de l'écouter. Son regard embué de larme remonta vers moi, si vulnérable, si fragile. Ne pas laisser filtrer le mépris qu'elle m'inspirait en cet instant, surtout pas. Ce qu'elle devait faire? Acceptais-je de l'aider? Non, la Jones me suppliait, d'autant plus que si je ne le faisais pas, je pouvais avoir des problèmes par sa faute. Elle était totalement dépendante, les mots venaient de ses propres lèvres. Je n'avais même pas eu d'efforts à faire pour qu'au final, cette rousse naïve et faible me tombe dans les bras. Maintenant, je ne devais pas gâcher ma chance. Je vins poser mes mains de chaque côté de son visage, sur chacune de ses joues, et vint appuyer mon front contre le sien. Des pouces, je chassai les larmes sur son visage. Chaque chose en son temps.
- Commence par respirer. Tout va bien se passer, je vais faire de mon mieux pour t'aider. Tu es entre de bonnes mains, fait moi confiance. Tu peux te calmer, maintenant. Une fois cela fait, je retirai mon front du sien et l'attirai une nouvelle fois contre moi pour l'étreindre. Délicatement, je déposai sur le dessus de sa chevelure un baiser fraternel, rassurant, protecteur. Je devais la calmer, l'aider à se sentir en sécurité, à respirer normalement de nouveau, si je voulais qu'elle puisse également réfléchir comme il se devait. Après cela, il était plus aisé de retrouver son regard du mien et de m'assurer qu'elle écoutait bien tout ce que je lui disais. J'allais avoir besoin de son accord, même si j'aurais très bien pu faire sans. Simple question de principe, obligation de lien de sang. Je ne pouvais pas la faire danser autant qu'une fille lambda, puisqu'elle était de la famille.
- Nous allons descendre à Volucité, comme c'était prévu, mais nous n'irons pas retrouver le chauffeur. Nous allons partir à pied et aller chercher des glaces, puis nous irons dans un endroit que je connais. Je connais quelqu'un qui peut t'aider, Madame Jones ne jure que par elle. Nous allons faire tout ça en arrivant, pour que tu ressembles à quelque chose, et ensuite nous partons. Allons au Parc d'Attraction, toi et moi. Allons au Métro de Combat. Redécouvrons notre région ensemble, qu'en dis-tu? Ces égoïstes peuvent bien nous attendre un peu.***
Le port, vaste et impressionnant, n'ayant rien en commun avec celui de l'île Lansat. De nombreux bateaux arrivaient et repartaient d'ici dans une seule et même journée. C'était un endroit achalandé, grouillant de vie et de l'odeur du béton. En fond, la ville grattait le ciel, immense et grise, imposante. Comme il faisait bon de retrouver cet endroit. Malgré toute mon appréhension, malgré cette réunion de famille obligatoire et malgré la présence de la créature la plus infâme que le monde ait connu, tapie quelque part en ville, nous attendant avec un martini à la main, j'étais heureux de me tenir là. À grandes respirations, je laissais la ville m'habiter de nouveau. Je me laissais vibrer avec elle, je me laissais revivre cette vie trépidante de citadin, le temps d'un séjour. Le visage maintenant illuminé d'un sourire autrement plus confiant, je me tournai vers la rousse, engageant, lui tendant même ma main pour qu'elle s'en saisisse. Consciencieux, je payai grassement un membre de l'équipage, pour le charger de remettre nos bagages au chauffeur venu récupérer les cousins Jones. Cette formalité écartée, j'entrainai ma cousine avec moi en ville, esquivant le lieu de rendez-vous par un petit chemin moins fréquenté. Direction le marchand de glaces. Sur le chemin, je redécouvris avec émerveillement le brouhaha de la ville, l'effervescence des rues. L'envie me prenait même d'aller redécouvrir notre arène, ce grand bâtiment imposant qu'il m'avait manqué d'admirer matins et soirs. Véritablement, je me sentais chez moi.
- Je ne suis parti que quelques mois et cela m'a semblé une éternité. Je n'ose même pas imaginer ce que ce doit être pour toi. Après un peu de marche, nous avions atteint le stand de glace et, toujours aussi vif, je m'assurai de payer pour nous deux. Je ne lui laissai même pas le choix de sa glace, optant pour deux petits coupes glacées avec coulis de baies frambi. Nous n'avions pas le loisir de nous arrêter, nous devions poursuivre notre chemin tout en mangeant, mon regard de caramel demeurant alerte, au cas où nous devrions croiser quelqu'un capable de nous identifier. Après tout, j'ignorais quel état l'état de la famille immédiate de ma cousine, mais mes parents ne manquaient pas d'employés capables de reconnaître le second fils, moi. C'est donc avec un certain empressement que je nous fis entrer le commerce dont je lui avais parlé un peu plus tôt, me débarrassant à l'entrée du gobelet maintenant vide, dans la poubelle. C'est d'un pas décidé que j'approchai du comptoir, un immense sourire aux lèvres, attendant qu'elle me repère. Comme je l'avais espéré, ça ne tarda pas. Une femme aux courts cheveux noirs, la coupe asymétrique, les yeux d'un vert néon vif, vint nous répondre. Ses vêtements étaient à la toute dernière mode et son être était couvert d'accessoires en tout genre, clingant à chacun de ses mouvements. Son visage était tout petit et ses traits fins, mais ses grands yeux venaient déstabiliser le tout, lui donnant des airs d'écureuil survolté à la caféine. Petite, elle agitait beaucoup les bras et ce, peu importe ce qu'elle faisait et sans soin pour sa cigarette coincée entre ses longs doigts agiles et précis, mais alourdis de bagues. Edna, la designer de ma mère.
- Oh par Arceus! Mon petit Saphir, c'est toi?! Qu'as-tu fait à tes beaux cheveux? Le bleu que je t'avais fait ne te convenait plus? Dis-moi que tu viens pour un autre relooking? Oh, j'ai tout plein de vêtements que j'ai mis de côté pour toi, mais ils ne sont pas terminés, tu aurais du me prévenir que tu venais! Tes yeux sont toujours aussi beau, si je pouvais je les arracherais et je m'en ferais des boucles d'oreilles. Et ce sourire, comme il m'a manqué! Mais dis-moi, tu as grandi, non? Il faudra que je reprenne tes mesures, pour m'assurer que tout sera parfait! Alors, qu'est-ce que je peux faire pour toi? Ça se passe bien l'Académie Pokémon? Tu en as beaucoup? Finalement tu es dans quel dortoir? Tu as choisi ce que tu voulais faire plus tard? Ta mère n'arrête paaaas de me parler d'Illford, mais il est bien moins sympathique que toi, il ne vient jamais me voir. Oh, comme je suis contente que tu sois là! Qui est ton amie? Tu t'es enfin trouvé une petite copine?- Je vous présente ma cousine, Ruby Laetitia Jones, c'est pour elle que nous sommes ici aujourd'hui. Je possède une Lapras, un Otaria et un oeuf de Sneasel. Je fais partie du dortoir Noctali et j'en suis devenu le préfet. Cette école compte beaucoup de charmantes demoiselles, mais aucune qui soit la bonne pour moi jusqu'à présent. Je suis inscrit dans le cursus de Pokéathlétisme, mais je dois discuter avec mère au sujet de ma spécialisation future. Pouvons-nous poursuivre cette discussion pendant que vous vous occuperez de cette pauvre demoiselle? Il ne sera pas du luxe de lui faire un petit relooking, ne trouvez-vous pas?