Quand Aria arriva à l’hôpital, de longues cernes noires entouraient ses yeux. Comme un petit panda tout mignon ! Sauf qu’Aria était tout sauf mignonne aujourd’hui. Elle était d’humeur à fracasser les murs. Et heureusement que personne n’avait gêné son chemin jusqu’ici car il aurait été assailli de reproches par une furie. Oui, Aria était en colère. Une colère qui ne cessait de croître. Une colère dont elle n’arrivait pas à se débarrasser. Alors, si une personne avait le malheur de se présenter sous la forme d’une proie potentielle… elle n’en ferait qu’une bouchée !
Mais avant de continuer, arrêtons-nous un instant pour voir ce que nous vaut cette humeur si grave. Après tout, Aria était en vacances. Rien ne devrait l’empêcher de s’amuser nonchalamment sur une plage. Alors pourquoi ? Tout s’explique en remontant quelques heures plus tôt. Un jour plus tôt même. Et nous allons trouver le coupable.
Un seul coup de fil.
Qui va pourtant hanter ses nuits encore longtemps.
Hier, alors qu’Aria était en train de s’amuser tranquillement avec ses pokemons, son téléphone vibre. Un numéro inconnu. Enfin, ça ne veut pas dire grand-chose, elle n’a pas un téléphone portable depuis longtemps et elle n’enregistrait presque jamais ses contacts. Ceux qu’elle avait sur son téléphone, les personnes les avaient rentrés de force, exaspérés par sa flemme pour ce genre de choses. Bref, rien d’anormal jusque-là. Elle décrocha.
- Allo ? - Aria ?
- Oui ? Elle ne reconnaissait pas cette voix. Elle s’attendait à ce que ce soit Ida ou sa sœur. Une voix d’adolescente. Mais la voix qu’elle entendait lui faisait plutôt pensée à celle d’une femme plus âgée.
- C’est Marie, la tante d’Idalienor. Tu te souviens de moi ?
- Marie ?! Oui bien sûr ! Tu vas bien ? Ca faisait super longtemps ! - Oui je vais bien merci. Mais il y en a une qui ne va pas bien. Je t’ai appelé pour te prévenir Aria. Ida est ta meilleure amie alors je pense que vous deux vous préférez le savoir. Ida a été hospitalisée il y a quelques heures. A l’hôpital Lavandia à Hoenn. Là où elle est allée faire son alternance.
- Ida ! Mais pourquoi ? Elle a quoi ?!- Je ne sais pas en détail. Il y a un problème avec son bras apparemment. Les médecins doivent encore faire des analyses, on ne m’a pas dit grand-chose. On m’a juste dit que la prochaine fois il faudrait qu’elle vienne plus tôt et qu’elle se fasse soigner au lieu de laisser ça comme ça.
- …- Aria ?
- Ok j’arrive.- Quoi ?
- Je viens, j’arrive quoi. Je ne vais pas attendre là alors qu’elle souffre. Je prends le premier bateau pour Hoenn ! - Aria tu…
- Je te laisse ! Il faut que j’y aille ! On se voit là-bas !- Atten…
Trop tard, Aria avait raccroché et courait déjà vers leur maison où elle jeta quelques affaires dans son sac avant de repartir aussi sec vers le port. Mais ce n’était vraiment pas son jour. Quand elle arriva, elle dût déjà se confronter à une dure réalité. Il n’y avait aucun bateau vers Hoenn avant le lendemain à 7 heures du matin.
- Vous êtes sur ? manqua-t-elle de hurler au guichetier,
même en faisant des changements ?! Peu importe si je passe par Sinnoh ! Il faut que j’arrive à Lavandia le plus vite possible.
- Désolé mademoiselle, lui répondit-il avec un air sincèrement désolé qui calma Aria, mais les changements vous feront arriver plus tard que celui qui part d’ici.
- C’est pas vrai ! cria-t-elle avec une furieuse envie de se taper la tête contre les murs.
- Attendez mademoiselle ! cria à son tour le guichetier alors qu’elle allait faire demi-tour. Tournez les choses à votre avantage. Ce temps d’attente va vous permettre de mieux organiser votre voyage car j’ai l’impression que ça se fait un peu à la dernière minute… je me trompe ?
Décidément ce guichetier savait quoi dire pour la calmer. Ce n’était toujours pas la zen attitude mais elle commençait petit à petit à intégrer l’idée que ça ne servait à rien de se lamenter. Le bateau n’en partirait pas plus vite.
- On peut rien vous cacher je vois. Oui, je ne savais pas que j’allais partir avant il y a un quart d’heure. - Nous allons essayer d’améliorer cette organisation d’un quart d’heure alors ! dit le guichetier, qui se garda de lui demander ni de lui faire un commentaire sur la raison de cet empressement soudain.
C’était pour ça qu’elle adorait cette île. Les gens y étaient si gentils. Ils t’aidaient sans rien n’attendre en retour. Ils n’allaient jamais te forcer à parler, ce qu’ils considéraient comme un acte impoli d’ailleurs, ils attendaient toujours que tu leur en parles, parce que si c’était vraiment important tu finirais toujours par leur en parler. Sur cette île, un inconnu croisé depuis cinq minutes pouvait, à tes yeux, devenir aussi fiable qu’un ami de longue date. Jamais de conflit, une atmosphère continuelle de bienveillance, ici, tu avais toujours l’impression de baigner dans un cocon familial réconfortant.
Grâce au guichetier, Aria appris que Lavandia ce n’était pas un port et qu’elle allait devoir faire une heure de bus après sa traversée en bateau. Elle arriverait donc encore plus tard qu’elle pensait à l’hôpital ! Cette information l’a remis en colère. Sans le guichetier pour la canaliser elle aurait sûrement cassé la boutique. Au moins son voyage serait bien organisé…
Elle n’avait pas eu le courage de rentrer chez leur hôte et de retrouver toute la famille et Sylvabel. Alors elle avait fait une nuit blanche sur le port. Avec le guichetier, car le guichet restait ouvert toute la nuit, ils avaient beaucoup discuté. Ils s’étaient très bien entendus. Ça avait permis à Aria de ne pas trop se faire de soucis pendant toute cette attente. Elle avait essayé d’appeler Ida mais la sonnerie retentissait dans le vide. C’était normal, lui avait dit Léon, le guichetier, les hôpitaux n’autorisent pas toujours les patients à garder leur portable. Ca l’avait rassurée. En toute franchise, cette nuit avait réussi à un peu effacer ses soucis. C’est avec des cernes énormes, et plus apaisée qu’elle put enfin partir de l’île en direction de Hoenn.
Mais voilà. L’île était toujours visible derrière elle et déjà ses inquiétudes la rattrapaient. Le réconfort d’Akala et du guichetier s’évaporait et elle se retrouvait seule. Avec toutes les angoisses qui revenaient. Elle ne réussit pas à dormir. Pendant tout le trajet, jusqu’à son arrivée à l’hopital, elle resta à ruminer dans ses pensées. Elle était en colère. Elle avait peur. Pour Ida. Elle ne voulait pas qui lui arrive quelque chose de grave. Rien ne devait lui arriver. Rien. Jamais. Et pourtant… ça arrivait. Alors elle s’en voulait. Elle ressentait la même émotion que dans leur enfance, quand Ida et d’autres filles s’étaient faites embêtées par les garçons alors qu’elle n’était pas là. Ida s’était défendue bien sûr, mais pour la petite Aria ça revenait au même. Elle avait échoué à les protéger. Elle n’était pas là quand elles avaient eu besoin d’elle. Et ça faisait mal. Parce qu’il n’y a qu’avec soi-même qu’on est aussi dure. Mais maintenant, ça n’avait rien à voir. Ce n’était plus la petite douleur d’un l’amour-propre blessé. C’était beaucoup plus profond. Elle se sentait mal. Elle se détestait pour ne rien avoir remarqué. C’était elle qui était toujours près d’Ida non ? Alors comment elle avait pu rater qu’elle n’allait pas bien ? Ce qui lui faisait le plus mal c’est qu’elle savait pertinemment que si les rôles avaient été inversés, Ida aurait remarqué. Là, elle était juste seule avec son incompétence. Et elle n’aimait pas ce sentiment.
Donc elle s’en voulait.
Mais au fond, pas qu’à elle. Elle mentirait si elle disait qu’elle n’en voulait pas à Ida aussi. C’était un peu comme si Ida ne lui avait pas fait confiance. Pourquoi elle n’avait rien dit ? Pourquoi elle avait tout caché ? Le fait qu’Ida ne lui faisait pas confiance blessait aussi. Elle avait l’impression de tirer le rideau sur la période où elles n’avaient aucun secret l’une pour l’autre. Et même si ces confidences n’auraient pas pu durer éternellement, elles lui manquaient déjà.
Sur le pas de l’hôpital, ce n’était aucun de ses deux sentiments qui la dominaient.
Elle avait peur. Ida était sa meilleure amie. Elle souhaitait que rien ne lui arrive jamais.
Et là en pensant qu’elle se trouvait dans une de ses chambres blanches, son cœur se resserra. Elle hésita encore deux secondes puis entra. En sachant qu’elle ne sera pas exactement la même en sortant.
- Je cherche la patiente Idalienor Edelwen s’il vous plait. - Chambre 204, première à gauche puis vous montez à l’étage.
- Merci beaucoup.L’hôpital était un hôpital classique. Des chambres blanches, aseptisées. Cette odeur particulière, qu’Aria interpréta comme une odeur de mort et qui la mise mal à l’aise. Car Aria n’aimait pas les hôpitaux. C’était le médecin de Vermilava qui soignait ses chevilles foulées, son bras cassé et tous ces autres petits incidents qui avaient rythmé sa vie d’enfance. Résultat : elle n’avait jamais été à l’hôpital, à part pour sa naissance. Alors elle n’était pas habituée à cette ambiance. Et elle la trouvait morbide. Elle avait du mal. Alors à peine deux minutes après son entrée, elle décida qu’elle n’aimait pas les hôpitaux.
- Attendez !
Une voix l’interpella alors qu’elle s’apprêtait à entrer dans la chambre. Une femme en blouse blanche s’avançait vers elle.
- Vous êtes venue voir Idalienor ?
- Oui.- Ah bien. Je suis tellement heureuse qu’elle est autant de visite ! Mais ça aurait été encore mieux si elle n’était tout simplement pas allongée dans cette chambre ! Si vous saviez la peur qu’elle m’a fait quand elle s’est effondrée !
Aria grimaça. La scène venait de s’imposer à elle, si forte qu’elle en était blessante.
- Tu es une de ses amies je suppose ?
- Oui, je m’appelle Aria. - Enchantée de te rencontrer alors. Bon avant que tu rentres il faut que je te fasse un petit topo de son état. Car je la connais elle ne va rien vouloir dire ! Mais rapidement car je suis encore du service moi !
- Je vous écoute. - Alors rassure-toi il n’y a rien de grave. Elle s’est évanouie à cause du mélange de fatigue et de ses problèmes, ça aurait pu être évité. Elle a le bras gauche brulé au premier et au second degré, et sa main présente des résidus de poison. Elle refuse de nous dire comment il est arrivé là mais crois-moi je vais la cuisiner là-dessus ! Bon, il faut que j’y aille, on n’arrête pas de me biper depuis tout à l’heure. Ida va être ravie de te voir ! Je repasserais en fin d’après-midi !
Aria resta seule devant la porte 204. Elle digérait ce que l’infirmière venait de lui dire. La brulure. Pourquoi elle n’y avait pas pensé plus tôt ? C’est comme si elle avait oublié. Dans l’incendie, Ida avait été brulé. Mais Aria comme une idiote, n’avait pas pensé un seul instant que c’était grave et que ça nécessitait un traitement. Enfin si, elle lui avait dit d’aller à l’hôpital, ou au moins à l’infirmerie, mais elle n’avait jamais vérifié qu’Ida avait suivi son conseil. Et maintenant qu’on lui disait, il lui semblait évident qu’Ida n’avait jamais eu l’intention de le faire.
Elle se retint de frapper le mur. On ne frappe pas les hôpitaux. Dans sa tête tout se mélangeait. Elle lui avait parlé de poison aussi. Du poison ? D’où sortait ce poison ? Encore un truc qu’elle n’avait pas remarqué.
Ok. On se calme. Maintenant qu’elle était là, tout était fait. Elle ne pouvait rien changer. Elle se haïrait plus tard. Elle n’allait pas retarder encore plus son entrée. Elle avait hâte de revoir le visage d’Ida.
Elle entra.
Entre les murs blancs un lit. Des draps blancs, le lit blanc. Et Dans cet oasis de blanc, Ida est allongée sur le matelas. Recouverte à moitié par ses draps, elle semble dormir car elle ne réagit pas à son entrée. Pendant une seconde, la silhouette de sa meilleure amie se superpose à une autre qu’elle connait. Son père ? Sa mère ? Elle n’arrive pas à les différencier. Passé ? Futur ? Elle ne saurait pas trancher. Elle secoue la tête et s’avance silencieusement. Penchée sur Ida, celle-ci ne s’étant toujours pas réveillée, Aria s’autorisa un petit sourire de diablotin.
- Bouuuh !!! cria-t-elle en lui saisissant les épaules et en la secouant.
… Quoi ? Elle n’a pas de problèmes au cœur non ? Elle avait bien le droit de s’amuser après tous ces soucis ! Ida ouvrit les paupières, un peu choquée par ce réveil brutal.
- Alors ? On n’accueille même plus sa meilleure amie ? Je vais me vexer moi, fanfaronna-t-elle.
- Eh dis donc c’est quoi ce boucan ! Vous allez me faire le plaisir de baisser un ton ! On est dans un hôpital là ! gueula une voix à travers la porte.
Aria éclata de rire.
- On va continuer moins fort alors, dit-elle avec un clin d’œil,
comment ça va ? Elle s’assit sur un côté du lit, et lui fît un câlin.
- Bon alors comme ça, tu pars pour un stage en hôpital et tu te retrouves patiente. C’est un vrai numéro de magicien ça.
L’ironie était naturelle mais Aria sentait toute sa colère remonter petit à petit dans sa voix sans qu’elle puisse s’arrêter.
- C’est Marie qui m’a prévenue. Mais elle n’est pas encore là à ce que je vois. Ah oui et aussi j’ai eu un debrif de l’infirmière avant d’entrer donc ne t’inquiètes pas tu as pas besoin de me dire ce que tu as je le sais… Ça doit être un soulagement pour toi. Après tout, tout ce que tu avais tu me l’as jamais dit. Juste parce que je te le fais remarquer tu me dis que tu es brulée. Une petite blessure pas bien grave. De second degré Ida ! Tu as oublié le pompier qui était mort dans le feu de la maison des Campbell à Vermilava ! Ce n’est pas rien une blessure de second degré ! Même si ça ne concerne pas tout le bras ! D’ailleurs vu que ça n’avait pas été traité, je suppose que tu n’étais même pas allé à l’infirmerie pour le faire examiner… Tu veux devenir médecin Ida ! Comment tu pouvais rester avec ça et te dire « C’est Ok. Je vais tout à fait bien » ?! Avec du poison en plus ! Alors le poison c’est le pompom. Tu te retrouves avec du poison dans ta main comme ça et nous on sait même pas comment ! Aria ne pouvait plus s’arrêter. Toute la tension depuis hier se déversait et noyait sa raison sur le passage. Elle était en colère. Tellement en colère contre Ida pour n’avoir jamais rien dit.
- Est-ce que tu te rends compte deux secondes Ida ?! Est-ce que tu te rends compte ? Tu crois qu’un enterrement ne m’a pas suffi ?! Tu crois que tout le monde s’en fout de toi et de comment tu vas ? Alors laisse-moi de te répondre. Je n’ai pas pu dormir une seconde depuis que je sais que tu es hospitalisée, tu sais la peur que j’ai eu pendant tout ce temps ? Si toi tu t’en fous de ton corps tu pourrais au moins t’en préoccuper pour les autres ! Est-ce que tu te rends compte..., elle commença à pleurer, est-ce que tu te rends compte… de la peur que tu nous as faite ?
Ida s’était mise à pleurer aussi. Aria ne pouvait plus arrêter ses larmes. Petit à petit, elle avait l’impression de se briser.
- Désolée, je suis désolée Ida, pleura-t-elle entre deux sanglots.
- Je reviens, je vais chercher une boisson. Tu veux quelque chose ? - Oui merci.
- Je reviens vite. Aria sortit de la chambre. Les deux filles venaient de prendre le temps de discuter un peu en tête à tête. Ça faisait du bien. De se poser de temps et temps en oubliant le reste. Les circonstances n’étaient pas idéales mais Aria était contente.
- Hum.
Juste derrière la porte, enfin à côté de la porte à l’extérieur, un jeune garçon se tenait et la regardait.
- Et ben dis donc c’est la journée des rencontres ! s’exclama Aria.
- Euh... qu’est-ce que tu racontes ?
- Nan laisse tomber, tu ne pouvais pas savoir de toute façon, dit-elle avec un sourire, tu voulais me voir pour quelque chose ou tu m’as juste confondu avec Ida ? Elle est dans sa chambre si tu veux la voir. - Non c’est bon je suis allé lui dire bonjour ce matin.
- Ah ? Super alors.- C’est bien à toi que je veux parler. On va à la cafet ?
- Et bien si tu veux oui. Même si je ne sais toujours pas ce que tu me veux.
- Tu le sauras vite de toute façon.
- Et ben je sens qu’on va s’entendre nous deux !
- Alors qu’est-ce que tu me veux ? Ils s’étaient installés à une table. La cafeteria était quasi vide. Mais Aria aimait mieux être là que dans les couloirs, l’odeur de café couvrait un peu celle de l’hôpital. Elle n’arrivait pas à s’y habituer. Elle ne savait pas comment Ida faisait pour rester dans une chambre avec cette odeur.
- Enfin, se reprit-elle,
ce serait peut-être plus approprié de te demander d’abord qui tu es, tu ne penses pas ? Malgré son ton amical, Aria était un peu sur les nerfs. Elle appréciait les personnes avec la langue pas dans la poche, et un peu de sarcasme ne l’avait jamais tué. Mais disons que ce n’était pas vraiment son jour pour ce genre de trucs.
- Je m’appelle Eric. Quand j’étais enfant, j’ai eu un accident et récemment j’ai eu des complications, malgré des années où rien ne s’était manifesté. C’est réglé maintenant mais je suis quand même à l’hôpital quelques jours pour faire des contrôles.
- Ah d’accord. Contente pour toi. Mais je veux juste te dire, si Ida t’intéresse et que tu veux des conseils, je ne crois pas que tu es ton style. Vraiment désolée. Je peux y aller maintenant ? A vrai dire, ce garçon était en train de lui gâcher le peu de bonne humeur qu’elle avait enfin réussi à avoir dans la journée. Alors elle n’avait qu’une envie : s’en éloigner le plus vite possible. Elle ne savait pas pourquoi (à part qu’elle le trouvait désagréable) mais elle avait l’impression que si elle passait plus de temps avec lui, elle allait entendre des choses qu’elle ne voulait pas entendre. D’ailleurs elle n’avait pas attendu sa réponse pour se lever et se diriger vers la porte.
- Et attends ! s’exclama Eric, je t’ai dit que j’avais des trucs à te dire !
- Et si je n’ai pas envie de les entendre ? Excuse-moi, mais aujourd’hui ce n’est pas vraiment mon meilleur jour et j’avoue que je préfèrerais être avec Ida plutôt qu’écouter les choses que tu as à me dire même s’ils sont passionnantes. - Moi je veux te parler d’Idalienor justement, alors arrête de faire ta princesse et reviens t’asseoir. Après tout, ce n’est pas comme si tu lui avais manqué hier. Elle pourra se passer un peu de ta compagnie aujourd’hui.
- Oh touché coulé là petit. Ah désolé tu es plus grand que moi ? Excuse je parlais de la taille. Bref, j’ai une grande envie de te plaquer contre un mur pour ce que tu viens de dire et de t’obliger à passer beaucoup plus d’examens que prévu. Mais je ne vais pas mentir, tu as aussi réussi à piquer mon intérêt. Alors on va s’arranger tous les deux. Je t’écoute, on va dire dix minutes, et après on sépare nos chemins. Tout le monde est content avec ça et happy world ! - C’est sûr que tu es douée pour critiquer. Je suis sûre que tu ne te rends même pas compte de ton hypocrisie.
- Eh bonjour la politesse. Je suis restée pour entendre parler d’Ida, pas pour me faire flinguer. - Je te parle d’Idalienor, banane. Tu réfléchis quand tu parles. Comme tout à l’heure, où tu as pété un câble sur elle. Eh ! Si tu es une incapable, tu n’as qu’à t’en prendre qu’à toi-même. Tu sais que rejeter la faute sur les autres, tu n’as vraiment aucune valeur. Tu ne sais rien de ce qu’on ressent quand on est allongé sur un lit d’hôpital. Est-ce que tu as déjà au moins été malade ? Est-ce que ça a été assez grave pour que tu craignes pour ta vie, pour ta mobilité, pour ton quotidien ? Tu n’en sais rien. Et tu ne cherches pas à savoir. Tu arrives juste ici, avec ta fierté mal placée et tu te permets de faire la morale. Tu me dégoûtes.
- Ok. Alors toi. Tu as un vrai don. Je te félicite. Y a personne aussi douée pour me faire sortir de mes gongs. On sera dans une ruelle, tu serais déjà KO, le nez en sang.Avec le sourire qui l’accompagnait, ses paroles étaient une vraie menace. A glacer le sang par son sérieux. Mais y a toujours des personnes qui ne sont pas faciles à intimider.
- Bref, tu me fais regretter d’être dans un hôpital, c’est bête hein ? Mais pour te répondre, si je déverse ma colère sur les autres, tu le fais autant que moi. Et à moi de t’apprendre quelque chose. Tu parles de se mettre à la place du malade, mais est-ce que tu t’es déjà placée à la place des proches du malade ? Ce ne sont pas les mêmes sentiments. Ce n’est pas la même douleur. Mais ce n’est pas une raison pour ignorer l’un par rapport à l’autre. Je suis peut-être coincé dans ma vision mais tu es aussi coincé dans la tienne !
- Ah bon ? Tu crois que les malades pensent seulement à leur petit bien-être ? Tu crois qu’on ne pense jamais à notre famille ? Alors à moi de te faire la leçon, la souffrance de quelqu’un hospitalisé ce n’est pas seulement une souffrance physique, ou alors la souffrance de pas pouvoir vivre sa vie aussi librement que l’on entend, c’est bien plus. Mais tu ne te rends pas compte. Ce qui m’a fait le plus mal quand j’étais enfant dans les hôpitaux, c’est de voir la tristesse de mes parents à chaque fois qu’ils devaient me laisser pour la nuit. A chaque fois, je lisais combien ils regrettaient de ne pas pourvoir m’emmener avec eux. A chaque fois, que mes amis venaient me voir et me racontait comment c’était passé l’école, ils me répétaient combien ce serait cool que je sois là aussi. Ça nous manque le monde extérieur, le monde de tous les jours quand on est dans un hôpital, mais si j’ai bien appris quelque chose c’est qu’on lui manque aussi.
-… Bon ok. Tu sais, je me rends bien compte que ce que tu me racontes, ce n’est pas faux. Mais par contre toi, je ne t’aime vraiment pas. Regarde-toi dans un miroir avant de ressortir de l’hôpital, ça te fera sûrement du bien. Sur ce, les dix minutes se sont écoulées. Adieu.
Elle s’éloigna et cette fois, Eric ne la retint pas. Avant de retourner vers Ida, elle se réfugia dans les toilettes. Devant le miroir, elle pouvait se voir pleurer. Elle s’était retenue devant Eric mais il savait vraiment appuyer là où ça fait mal. Seule la vérité blesse, comme on dit. Elle essuya ses larmes. Elle s’était un peu emportée aussi, mais elle détestait se sentir menacée. Il faudra qu’elle demande à Ida de l’excuser de sa part. Même si elle n’était pas sûre qu’ils se connaissent au final. Si ça se trouve c’était un stalker ! L’idée la fit rire.
- Allez ! Maintenant il est temps de rejoindre Ida ! se dit-elle à elle-même,
et de faire mon rapport à Mysdi d’ailleurs, sinon ce sera l’enfer quand je rentrerai ! Déjà qu’ils me faisaient la tête d’être laissé sur la touche. Elle repartit le soir tard dans la nuit, le dernier bateau vers Akala. Ce n’était sûrement pas la meilleure journée de sa vie mais c’était une de ses journées essentielles, qui rangent ta vie et te préparent à l’avenir.
I won’t give up, I won’t give in