De la buée s'échappa de ses deux lèvres gercées, échappant à son soupir. Elle remonta sa veste de son k-way bleu sur son épaule quasiment dénudée, tout en continuant de déchiffrer les horaires du bus. Oui. Elle avait bel et bien raté le dernier. Un peu prise au dépourvue, la rose se mit à tourner sur elle-même perdant tout espoir alors que seul le silence assourdissant de la soirée lui répondait. Quelques lueurs de lampadaires, voilà ses derniers partenaires de danse.
Car elle avait dansé Bellamy, dans ce nouveau club, tout récemment ouvert. Un peu suintante mais surtout frissonnante, elle regrettait maintenant de n'être venu qu'avec son débardeur noir et usé et un simple short mauve et déchiré. Il y avait bien ce K-way trouvé sur un banc, mais le fait est qu'elle était en chaussette n'arrangeait rien. Ou avait t'elle bien pu paumer ses baskets ? Elle avait froid Bellamy, et elle se disait amèrement que monter dans la voiture de ce pervers qui lui avait proposé de l'accompagner aurait presque pu être une bonne idée. La chaleur de ces jours de février disparaissait bien vite sous l'oeil avisé de la lune.
Un autre soupir s'échappa des lèvres de la rose qui noua en quelques mouvements ses cheveux en une épaisse queue de cheval. Elle n'avait pas le coeur au chignon. Non car ses mains tremblantes et sa vue bouffie par les quelques verres qu'elle avait saisi au vol d'un plateau n'aidait pas. Ni son état émotionnel : pathétique. Elle se trouvait aussi et surtout trouillarde. Peureuse comme c'est pas permis.
Car elle n'avait toujours pas parlé à Lolita depuis la saint-valentin.
Elle aurait voulu, milles fois. Mais milles fois, elle s'est retenue. De peur de la décevoir, de peur d'être de nouvelle celle qui aimait trop les autres pour survivre sans eux. De peur que Lolita ne décide encore de partir.... Le sevrage avait était douloureux, mais inutile. Elle était toujours cette attention whore dont parlait les rumeurs de l'académie. Toujours cette toxico de l'amour. Et pour elle... Ce n'était pas des foutaises si elle disait qu'elle ne pouvait vivre sans son amante. C'était des mots dangereux. Du genre de ceux qui traînent tard le soir, quand les gens bien sont endormis.
Juste comme elle, quoi.
-Let's walk... annonca t'elle à ses pokémons avec uns de ces entrains qui sonnait faux.
La silhouette élancée de Lancelot, le musteflott, se mit aussitôt en marche. Marchant dans les pas de la rose, observant avec méfiance les zones d'ombres et prêt à bondir sur n'importe quel agresseur potentiel comme le bon chevalier servant qu'il était. Il y avait aussi la fidèle Pompom, distraite par les lumières de la nuit, un peu à la traîne et cet air benêt constamment accroché au visage. Enfin Chourave, le galekid délinquant juvénile s'était avancé avec une excitation tout particulière et dévorait les bancs publics qui avaient le malheur de croiser son chemin.
Un sourire franc élargissa le visage de la rose. Dire qu'il y a quelques mois encore, elle était trop déprimée pour sortir ne serait-ce qu'un seul pokémon de ses pokéballs. Regardez sa belle équipe aujourd'hui, lui apportait du baume au coeur. Lottie, Lolita et Hamtaro était resté au dortoir, certes. Mais cela ne changeait rien à la béatitude qui la saisissait, là, à cet instant précis. Elle avait du plaisir à retrouvez doucement les habitudes des chacun. La rose pouffa. Décidément, l'alcool la réussissait en fait.
... Ou pas.
Car elle avait mis un peu de temps à s'en apercevoir. Trop de temps, assurément. D'habitude, elle gardait toujours un oeil sur lui, on ne sait jamais quelle bêtise il va faire aprés tout. Chourave. L'incorrigible chourave. Le voilà loin, transformé en petit point brillant à l'horizon échappant à tout contrôle, aussi futile, aurait t'il était.
-Chourave, reviens ! crie elle en vain.
Le galekid ne l'entend pas, ou fait mine de ne pas l'entendre - dépend du point du point de vue. Le voilà, galopant joyeusement. Renversant les poubelles et défonçant les pavés de la rue. Et Bellamy n'a qu'à suivre le carnage en trottinant bêtement pour suivre sa trace. Et elle prie silencieusement Arceus, alors que son souffle commence à se perdre sous l'effort : faîtes que ce garnement n'évolue jamais. Elle n'ose imaginer les carnages qu'il ferait sous la forme d'un Galeking.
Le souffle court, les joues rougies par son léger sprint : voilà la rose qui s'arrête à proximité d'un grand grillage énorme, surmonté de barbelés. La piste s'arrête ici et la rose tout en reprenant son souffle, observe avec crainte les grands bâtiments de l'autre coté des fils de fer. Elle glapit. Aucune idée de ce que cache ses grands hangars, mais ça a l'air important... Et délicieux pour Chourave.
Le jappement de Lancelot attire soudainement l'attention de Bellamy : son musteflott désigne, à l'affut, une brèche dans le grillage. Petite brèche aux fils rongées. Elle soupire... Gros bâtiments ou pas, il faut bien qu'elle rattrape son pokémon, non ? D'un signe de tête, elle ordonne et Lancelot découpe une plus grande ouverture grâce à son attaque météores. La rose s'engouffre suivis de ses deux pokémons. La voilà parcourant une grande étendue de béton, jetant des yeux inquiets à des grandes tours projetant des épais rayons de lumière. D'instinct, sans trop savoir pourquoi, elle les évitent. Où est-ce qu'elle s'est encore retrouvée au juste ? La réponse se laisse deviner alors qu'elle pousse les portes d'un grand hangar. Là : un avion. Gigantesque avion, semblable à celui qui l'a amené faire son baptême en parachute - là où elle avait attrapé Lottie.
Camouflage. Sigle. Même, des mitrailleuses.
Gloups. Ne serait-elle pas sur la base militaire ?
Gloups. C'est normal que l'avion s'écroule alors que son Galekid revint vers elle, l'air repu ?
Gloups. Ça coûte cher un avion ?
Un peu tremblante, Bellamy rappelle son pokémon dans sa pokéball. Elle regarde un instant l'avion écrasé contre le sol. l'aile à moitié dévorée par son galekid. Pas vu, pas pris - n'est-ce pas ? Oui, elle a juste à faire demi tour et à rentre tranquillement à l'académie. Personne ne saurait jamais que c'est son pokémon qui a fait ça. On n'allait pas le lui demander de rembourser avec de l'argent qu'elle n'avait pas et surtout Ô grand surtout, jamais Jackie n'apprendrait ça. Car personne ne l'avait vu, n'est-ce pas ?
Arrivant presque à se convaincre, Bellamy fit volte-face. Voilà maintenant elle n'avait qu'à... Une vive lumière l'aveugla soudainement alors qu'un homme s'avançait vers elle, une lampe torche à la main. Par réflexe, la rose plaça son bras devant ses yeux mais ce dernier ne tarda pas à rejoindre l'autre dans un balancement tragique et fataliste. Ne sachant trop quoi faire, elle se contenta de lâcher sobrement, un joli :
-Holy shit.