Il œuvre sous l’œillade sévère des arbres, envahi de souvenirs. Ses pas le mènent à la rencontre de son passé. Il y a ces voix qui murmurent son nom tandis qu’il effleure un tronc ou une feuille, ces voix fatiguées et poussiéreuses. Ses gestes se font hésitants malgré sa détermination première à mener à bien cette expédition. Le voilà qu’il se découvre distrait, envahi. Plus qu’une nostalgie, le sentiment qui l’étreint le pèse et le condamne au silence. Heureusement, la forêt d’Adala s’exprime bien assez pour combler son mutisme. Elle s’applique dans ses musiques. Le chant des oiseaux forme la mélodie, le jeu du vent les basses, l’écoulement tranquille d’un ruisseau imite la voix d’un chanteur solitaire. Ely s’est fait complètement sourd à ce concert naturel. À l’affut de cette cacophonie interne qui le rend indisponible à tout contact extérieur, il revit quelques instants de son enfance. Ceux-là pour qui encore il ne s’est pas laissé teinté par la rancœur et l’amertume. Ceux-là qui lui font penser à son père.
Il a de nouveau six ans. Son père le mène par-delà cette colline boisée, son pas assuré. Derrière lui, le gamin peine à le suivre mais s’y active pourtant avec une concentration qui dessine contre ses traits enfantins des lignes préoccupées. L’homme s’arrête une fois juché au sommet, se retournant pour constater les difficultés éprouvées par Ely. Un sourire attendri étire ses lèvres. Il n’a peut-être pas le fils auquel il pouvait s’attendre, mais il ne pourra jamais nier la force de caractère qui l’habite. Le garçon ne baisse jamais les bras devant les défis, pourtant nombreux pour lui. Son père en est fier, même s’il ne l’a jamais dit. Ely en a presque conscience néanmoins alors qu’il parvient enfin à rejoindre son géniteur qui l’enferme de ses puissants bras pour le faire tourner. L’enfant jette ses bras en direction du ciel dans une tornade de rires, laissant l’inertie du mouvement l’étourdir. Son cœur se gonfle d’une sensation malheureusement rare et inestimée : le pur bonheur. Son père interrompt leur jeu pour lui pointer quelque chose en contre-bas qui a attiré son attention. Sauf que le petit n’a pas entendu un seul mot. Son regard s’est rivé sur le visage de son père qu’il découvre dans un état tout nouveau pour lui. Le militaire sourit, les traits détendus. Ely n’avait jamais remarqué l’éclat argenté de ses yeux.
L’évoquer, même en esprit, provoque son lot de sensations contradictoires. Il y a ce regret qu’il a exploré largement en thérapie, bien sûr. Ce vieil ami toujours présent pour lui rappeler ce qui ne fut jamais. Et cette émotion, plus douce aussi. Comme une chaleur au creux de sa poitrine, là où il vient déposer une main émue. Il aime retracer les pas qu’il a fait il y a toutes ces années maintenant. Il aime repenser à lui, même si c’est difficile. Ça lui fait du bien aussi. Sauf que ce n’est pas le moment. Ely émerge un peu tard de la lourdeur de ses pensées pour se souvenir des raisons de sa présence en cette forêt. Il s’est porté volontaire pour explorer les environs d’Adala pour comptabiliser des données essentielles aux élèves de Pokémon Community, la nouvelle école installée sur son île natale. Son objectif ressemble à plusieurs de ses missions de recrue de l’armée : rassembler de l’information. Une tâche simple en l’apparence, si n’est de l’insistance de ses souvenirs. Le jeune homme aurait bien aimé être seul pour vivre toutes ces émotions mais peut-être aurait-il alors négligé la raison même de sa présence ici.
«Pardon, j’ai été un peu distrait jusqu’à présent. Je fais un piètre partenaire! Avez-vous pris quelques notes sur le chemin vers ici?»
Ely se sent coupable d’avoir laissé sa partenaire, Anastasia Vaanish, effectuer le plus gros du boulot jusqu’à présent. D’une moue adorable, le militaire s’excuse de son comportement et se rapproche de la jeune femme qu’il connaît très peu, finalement.
«En suivant ce sentier, nous arriverons au sommet d’une colline qui nous permettra de mieux observer la région. Peut-être pourrons nous découvrir quelques Pokémon par là-bas, ou du moins prendre des photos de la végétation unique qui pousse sur les flancs escarpés?»
De toute évidence, le garçon fait un effort considérable pour rattraper son étourderie jusqu’à présent. Il n’a aucune intention de la laisser fournir tout le travail sans s’impliquer lui-même. Il lève un regard adorateur en direction des arbres dont quelques-uns se sont parés de bourgeons et de jeunes feuilles aux reflets émeraudes. Un soleil vif les enveloppe, provoquant un sourire à Ely.
«C’est vraiment une très belle journée en tout cas. Merci de m’accompagner. Explorer ce n’est pas drôle tout seul.»
Comme à son habitude, le garçon Del’Anna a pris l’habitude de beaucoup jacasser, en regardant dans les yeux et en se rapprochant de manière familière. Les frontières invisibles entre les personnes n’existent pas à ses yeux naïfs, surtout pas par une journée si déterminée à le rendre heureux malgré la houle de ses souvenirs.
Adala, terre de promesse. |
Qu’y a-t-il dans ces bois qui l’emmène ailleurs? Ses pas le mènent, calqués sur les chemins du passé. Il progresse inattentif et distrait, deux caractéristiques habituelles chez lui mais… pas ainsi. Ely se sent absent, confus, comme affecté. Il a déjà connu ces sensations lors des années les plus sombres de son parcours, comme si son esprit tentait de le dissocier de son vécu. Sauf que cette fois, il s’élance sans sourciller vers ses souvenirs plutôt que de les fuir. Son regard argenté parcourt les alentours. Les arbres décharnés de l’hiver semblent regagner vie au contact salvateur d’un soleil joueur. Le chemin, certes boueux, se fait canevas au passage de plusieurs bêtes laissant leurs traces tel un dessin. Au-dessus de leurs têtes, un ciel candide ne se trouble qu’au passage de quelques nuages nonchalants. Et ce soleil pâle qui de son œil malicieux les surveille ! Le militaire inspire profondément, humant la brise qui sent la terre humide. Ce contact avec la nature lui rappelle à la fois les raisons de son escapade ici, mais aussi la sensation vigoureuse de la vie qui pulse dans ses veines. Nuevo est le vaisseau d’une existence dont il ne peut profiter pleinement qu’au prix de l’éloignement tant attendu, une fois de temps en temps. Le jeune homme a besoin de s’échapper parfois d’une vie de béton et de bitume pour reconnecter avec la nature. Il ne s’attendait pas à y retrouver tant de souvenirs néanmoins.
Au moins, il se sent un peu mieux, dédiant désormais toute son attention à la femme qui l’accompagne après cet examen de leur environnement. Heureusement celle-ci semble dotée d’une certaine patience, un atout considérable à posséder pour tout échange avec l’apprenti soldat. Le voilà d’ailleurs qui adopte sa fameuse pose de culpabilité, se mordillant la lèvre et passant une main derrière sa nuque dans une tentative de dissimuler sa gêne. Ely déteste se montrer inutile, voire entravant. Il aime bien paraître aux yeux des autres et fera tout pour se rattraper sa distraction malgré l’assurance de la brunette qu’aucun mal n’a été commis. À ses paroles, il lève un regard vers la colline qu’il a désigné.
«J-j’ai… J’ai effectivement visité cette forêt très souvent, plus jeune. Je venais camper ici avec mon père, juste sur cette colline. Ça nous faisait une très belle vue. Même si ça fait bien longtemps maintenant, on dirait que mes pieds se souviennent toujours du chemin.»
Son ton a pris une certaine douceur, mais aussi comme une prudence. Il sourit de manière un peu forcée, encore mal à l’aise du pouvoir de son inconscient en ce jour. Comme un pantin, forcé à retracer les pas de son passé. Ely possède cet esprit obstiné à l’optimisme qui ne lui permet pas souvent le droit de vivre des émotions négatives. Probablement ce qui l’a mené au fond du gouffre quelques années plus tôt. Sauf que malgré tout son cheminement, la recrue militaire n’apprend pas de ses erreurs et se montre encore une fois résistant aux manifestations insistantes de son deuil. Pour mieux y échapper, il se concentre sur cette conversation, distraction salvatrice au combat qu’il se livre à lui-même.
«Sinnoh hein? Plutôt loin de chez vous. J’espère que vous appréciez quand même Adala. Pour ma part j’ai grandi ici mais pas grand-chose ne me retient hormis ma famille. J’aimerais voyager davantage, découvrir le monde ! Hum, maintenant que j’y pense, juste explorer mon île me fait du bien aussi, je ne m’en lasses pas.»
Le chemin se hisse de plus en plus vers la verticale, forçant les marcheurs à un pas plus prudent et en puissance. Ely sent ses muscles s’échauffer, une sensation qu’il a appris à apprécier. Néanmoins, ses entraînements réguliers l’empêchent de trop souffrir de cet effort. Il jette cependant régulièrement des regards en direction de sa partenaire d’exploration afin de s’assurer qu’elle tiendra le coup. Galant ou nerveux, difficile à dire dans son cas. Le sommet se dresse enfin, plongeant sur une vallée boisée en contre-bas. Les arbres, ici, semblent se tasser pour céder place à un point d’observation privilégié de la région. Une vue magnifique dont le jeune homme se nourrit tel un affamé. De loin, il distingue le vol paresseux d’un Nirondelle qui disparaît quelques instants plus tard dans les cimes de grands conifères aux allures sombres. Il s’empresse de noter l’espèce dans son calepin, interrompu par la découverte d’Anastasia.
«Oh une plante?» il accourt en sa direction pour observer le végétal désigné par son accompagnatrice. «Des poudres vous dites? J’y connais absolument rien là-dedans, mais c’est super intéressant. En fait vous vous y connaissez pas mal, vous.»
Le regard brillant, Ely scrute son interlocutrice avec admiration. Le jeune homme à la chevelure bicolore a toujours apprécié les têtes affutées, les esprits développés. Lui-même se considère à tort comme un bel idiot tant l’apprentissage lui est ardu. Cependant il a toujours conservé sa curiosité et son intérêt. Le fait que Anastasia soit une chercheuse l’intimide d’autant plus et il se fait un peu petit face à elle, espérant qu’il ne sera pas un poids… Avec ses connaissances, elle leur sera probablement plus utile que lui pour le travail demandé.
«Moi? Bah disons que j’aime me rendre utile. Je connais un peu quelques personnes à cette école comme j’ai souvent fait du bénévolat et c’est eux qui m’ont parlé de ce mandat. J’ai un attachement particulier au milieu scolaire car j’étais enseignant avant d’être militaire et… c’est encore important pour moi. Alors je tente de me rendre utile. Vous, j’imagine que vous êtes là pour avancer vos recherches. Vous étudiez quoi exactement?»
Il pose la question avec une certaine gêne, comme craintif à l’idée d’enquiquiner son interlocutrice de ses questionnements naïfs. Heureusement, il possède une bonne foi à toute épreuve et un sourire difficile à résister vu sa candeur. Reprenant hâtivement la marche, le jeune homme les mène vers ce qu’il explique être un lieu qu’il a visité de sa jeunesse, un sorte de havre pour les Pokémon de la région. Descendre la colline, cette fois par le flanc ouest, n’a rien d’aisé. Ely s’arrête souvent pour proposer son aide à la chercheure et s’assurer de sa sécurité alors qu’ils enjambent ronces et rochers. Une fois de retour en terrain plat, une petite plaine cède place à une forêt d’autant plus dense. N’y tenant plus, le militaire fait appel à Fester pour les guider à travers ce labyrinthe végétal. Le Grahyèna doré ouvre la marche tandis que le jeune homme tente de reconnecter une fois de plus avec ses souvenirs, cette fois pour retracer les pas qui l’ont mené à ce fameux éden qu’il a promis.
Il a quinze ans. Rien n’est simple. Ce n’est pas les anecdotes et les rires qui se font entendre entre eux, mais un assourdissant silence. Ely ne regarde même pas son père, brandissant son bâton d’indépendance dans ce milieu hostile où il n’est finalement pas si familier. Son père, à sa suite, ne dit rien. Il y a longtemps que leur famille s’est brisée. Sauf que de voir le gamin aussi fermé l’attriste. Il sait qu’il a causé ça et que l’adolescent est probablement bien mieux sans lui désormais, dans sa nouvelle famille. Sauf qu’il a encore envie d’être un père pour lui. C’est égoïste, peut-être. Mais trop fort pour qu’il en surmonte le désir. Alors il patiente, cherche une ouverture dans ce mur qu’est son fils, son Medhyèna sur les talons.
L’occasion se présente plus loin. L’homme a le savoir de la forêt. Il repère les sons et les mouvements avec une facilité dictée par l’expérience. Il remarque l’anomalie et s’approche précipitamment de son fils pour lui presser l’épaule. Ely se retourne et imite son père dans son silence malgré ses réticences, s’approche du lieu qu’il lui désigne. Entre deux fougères, une ouverture permet d’entrevoir un spectacle majestueux. Ici, de puissants Haydaims et leur progéniture ont trouvé refuge pour le temps d’une petite pause. Les yeux écarquillés, Ely les observe avec admiration et humilité. Il échange un regard enthousiaste et ému avec son père. Il aura su trouver l’ouverture.
Il interrompt brusquement sa marche. À ses pieds, il y a une trace, encore fraîche. Puis d’autres. Et encore d’autres. Un troupeau ! Sans l’ombre d’un doute. Le jeune homme se penche pour en tête sûr, se redressant avec un sourire triomphant.
«Ce sont les traces d’un troupeau de Haydaims et de Vivaldaims ! Si nous les suivons, je suis certain que nous retrouverons cet endroit dont je vous ai parlé. Aller, venez!»
Sans lui laisser l’occasion de répondre, le jeune homme attrape son poignet et la tire à sa suite, poursuivant son idée de retrouver ce lieu magique, ce lieu accueillant les créatures les plus timides de cette forêt.
Adala, terre de promesse. |
«Hum… Comment ça se passe chez ton oncle? T-tu te plais bien?»
Il y a cette tension, alimentée de tous ces non-dits. Cette ligne fine sur laquelle ils se font funambules, les pieds au-dessus du vide. Tout écart causerait la chute de l’un ou l’autre, ainsi ils s’obstinent dans cette trajectoire toute tracée, cherchant par tous les moyens d’éviter de s’écraser. Pour cette première rencontre avant le grand changement qui l’a mené à vivre chez son oncle, le père d’Ely a cherché un terrain familier et neutre. Bien sûr il s’est tourné vers la forêt, dans l’espoir peut-être d’y retrouver un semblant de paix. Mais pour la paix, il est trop tard. L’homme sait. Il sait qu’il a tout détruit.
«H-hum… ouais, il est gentil oncle Paul. Y’a juste Kim qui me fait la gueule, j’sais pas trop pourquoi, enfin. Ouais c’est sympa.»
La voix d’Ely lui semble un peu trop enthousiaste. Le garçon évite le regard de son géniteur avec soin. Et l’embarras s’installe, vile vipère au venin paralysant. Le père se tord les doigts de malaise. Combien il aimerait être plus fort en ce moment. Il a passé sa vie à se dire que s’il taisait ses émotions, qu’il y parviendrait. Il voit aujourd’hui qu’il a tort. Sauf qu’il est un peu trop tard pour lui maintenant. Alors il prend ce moyen qu’il connaît par cœur, un peu usé maintenant : l’évitement.
«Tu sais, c’est important la nature. Quand tu seras plus vieux, tu vas prendre certaines décisions dans ta vie mais n’oublie pas que… sans tout ça on est plus rien.»
L’homme désigne la forêt, témoin silencieux de leurs échanges. Ely suit son mouvement, se laissant entraîner par un sourire. Ils n’ont peut-être rien réglé aujourd’hui, mais voilà au moins un sujet sur lequel ils peuvent s’entendre.
Le troupeau leur fait face, paré de sa robe d’hiver. Quelques jeunes Vivaldaims sautillent dans un jeu candide, couvrant leurs sabots de boue. Leurs parents, plus posés, se nourrissent de l’herbe nouvelle qui s’est remise à pousser. Ely les observe avec grande humilité, se contenant à peine de courir à leur rencontre pour les saluer. Il n’a néanmoins aucun désir de troubler leur tranquillité et se contente de prendre quelques clichés subtilement à l’aide de son téléphone. Se retournant vers son interlocutrice, il articule quelque parole d’admiration envers la scène se déroulant devant eux, se disant que la jeune femme a probablement déjà vu des choses plus impressionnantes durant ses études… Il se souvient de son discours quand il l’a sondé sur son sujet d’étude. La médecine lui a toujours semblé bien compliqué, trop pour son esprit simple. Il préfère ne pas trop la relancer de peur d’avoir l’air bête, mais dans tous les cas il pourrait probablement l’écouter longtemps. Ou du moins l’entendre longtemps. Ely ne changera pas et ses capacités attentives demeureront toujours limitées. La jeune femme amène néanmoins un point très intéressant qui fait froncer les sourcils au militaire.
«Hum… Je n’avais pas vraiment envisagé les choses de cette manière. Je n’aimerais pas que ces familles soient troublées par des adolescents en quête de gloire. Ce n’est pas que je n’aime pas les ados hein, mais des fois le niveau de maturité ne leur permet pas de prendre le recul nécessaire pour prendre une bonne décision devant un appât comme celui-ci. Mon père m’a toujours dit qu’il fallait protéger la nature. Je crois que ma décision s’impose d’elle-même. Laissons ces créatures en paix.»
Sur ces mots, Ely se redresse et invite l’autre à le suivre une nouvelle fois. Il est content de l’intervention d’Anastasia. Probablement n’y aurait-il pas pensé et aurait pu compromettre ce troupeau avec l’information donnée au directeur de Pokémon Community. Le garçon a soudain une opinion positive de la jeune femme; pas que ce soit bien difficile à obtenir pour quelqu’un comme le Del’Anna. Probablement est-ce ce qui pousse le jeune homme à s’ouvrir un peu au sujet de son ancien métier.
«J’raffole des enfants. C’est dingue les trucs qu’ils arrivent à faire ou à penser. Je voulais les aider comme on m’a aidé quand j’étais petit, mais au final j’ai compris que je n’étais pas vraiment le mieux dont ils pouvaient bénéficier. Alors je me suis retiré. Mais ce n’est pas plus mal. À la place j’ai suivi une autre passion, celle de bouger et de m’investir et de protéger l’île que j’aime de ceux qui ont des intentions nébuleuses. J’étais effectivement très proche de mes jeunes, j’ai cet esprit d’enfant permanent. Je n’ai pas une tête scientifique comme vous, mais j’ai des bases oui. Enfin, tant bien que mal je me débrouille.»
Encore une fois un peu embarrassé de sa propre méconnaissance, le garçon se gratte l’arrière de la nuque, perdu dans ses pensées. C’est probablement ce qui fait qu’il n’a pas vu le trou à ses pieds, un trou qui s’élargit d’une traite lorsqu’il met le pied dessus. Le sol cède sous son poids et celui d’Anastasia, les entraînant dans une chute douloureuse vers l’intérieur d’une grotte insoupçonnée. Ely atterrit lourdement mais quelque chose semble avoir ralenti sa chute. Il réalise un peu tard qu’il s’agit d’un Paras apeuré qui, dans un mouvement défensif, l’inonde de ses spores toxiques. Crachant et toussant, le garçon ne peut éviter les vapes et se sent aussitôt envahi d’une sensation désagréable, comme si quelque chose clochait avec son corps. Néanmoins, il n’y fait pas attention, se concentrant d’abord sur l’insecte qu’il a peur d’avoir blessé en atterrissant dessus.
«Désolé Paras! Ohhh, viens-là…»
Ely attrape la créature et la blottit contre lui pour la rassurer. Par intermittence, il se met à tousser, ses poumons en feu, mais c’est le cadet de ses soucis.
«Anastasia, vous êtes là? Vous allez bien? Où êtes-vous?»
La jeune femme ne doit pas être bien loin compte tenu qu’ils ont chuté en même temps. Sauf qu’il fait très sombre dans cet endroit et le militaire avoue ne rien n’y voir. Heureusement, une truffe familière vient rejoindre sa main avec de petits pleurs. Fester l’a trouvé et ne compte plus le lâcher maintenant. Reste à trouver sa partenaire d’aventure, en espérant qu’aucun mal ne lui ait été fait.
Adala, terre de promesse. |
Ely a ce souci qui accompagne souvent l’esprit militaire : il a tendance à se croire protecteur de tous. Pour le moins qu’il ne soit confronté à sa propre impuissance que la panique l’agite. Sa nervosité envahi la cavité rocheuse où il a brutalement atterri, alertant à la fois le Paras dans ses bras et le Grahyèna qui pourtant devrait avoir l’habitude de ses anxiétés soudaines et lunatiques. Avec un petit pleur, le chien vient se blottir contre son maître dans l’espoir de lui transmettre de sa force. Malheureusement, le garçon, moins réceptif qu’à son habitude, interprète le geste de son allié comme de la peur chez celui-ci ce qui ne fait qu’augmenter son sentiment d’impuissance. Heureusement, la voix d’Anastasia le tire de ses angoisses. Il se précipite vers le lieu d’où provient ce son salvateur mais se bute rapidement à un mur, littéralement. Une partie de la caverne s’est affaissée, séparant les deux explorateurs. Le militaire étude attentivement ce qu’il parvient à distinguer ces rochers entassés : non seulement les déplacer s’avérerait une tâche très complexe, mais en plus les mettrait en danger. La brunette a raison. Il vaut mieux faire route à part quelques instants histoire de mieux se retrouver plus tard. Mais Ely n’aime pas laisser la chercheuse seule. Et surtout il a l’impression d’avoir failli à sa tâche de guide en les menant directement à ce trou. Nerveux, il prend la route à son tour, espérant la retrouver rapidement.
«On est pas perdus papa, si?»
L’homme grimace; il ne veut pas perdre la face devant son fils, surtout quand celui-ci le regarde avec ses grands yeux pleins d’admiration. Il y a tellement de moments où il n’est pas le père qu’il espérait être. Il voudrait donc conserver cet Ely un peu plus longtemps : celui qui ne lui en veut pas autant, celui qui l’aime encore. Pourtant, le garçon de huit ans ne s’affole pas. Se perdre fait partie de l’aventure pour lui et son grand calme fait sourciller le militaire. En vérité, Ely préfère ses errances avec son père que le champ de mines qu’il y a à la maison.
«C’est pas grave, papa. On va retrouver notre chemin. Je sais par où on doit passer. Suis-moi.»
Même si tous deux se doutent que l’enfant ne connaisse réellement le chemin, ils s’activent, tous les deux, sur les routes de l’aventure.
La paroi, ici, se resserre. Forme un long couloir étroit qui ne dit rien qui vaille à l’explorateur de ces grottes. Pourtant, il vient de ce passage une brise fraîche indiquant une sortie à proximité. Nul doute qu’il faudra au petit groupe passer par ici. Fester s’est rapproché de l’ouverture avec un jappement enthousiaste : lui aussi a senti ce vent si encourageant. Ely n’hésite plus. Sa patience s’amenuise de toute manière. Il se glisse donc par l’ouverture en tâchant de ne pas perdre pied. L’humidité suinte contre les parois, ajoutant à l’inconfort du jeune homme tandis qu’il traverse ce long couloir de pierre. Soudain, un bruit qui le tire de ses réflexions : quelque chose vient en leur direction. Ely se fige, coincé dans une position très inconfortable. Si un Pokémon doit l’attaquer ici, il n’a aucune chance de s’en sortir, surtout qu’il a décidé d’ouvrir la marche. Heureusement, ce n’est pas une créature aux intentions belliqueuses, mais bien sa partenaire du jour qui lui fait face. Avec un soupir de soulagement, Ely se dépêche de la rejoindre avec un sourire rassuré.
«Anastasia! Ravi de vous savoir en un seul morceau, je ne me serais jamais pardonné s’il vous était arrivé quelque chose.»
Pour sa part, il a recommencé à tousser, signe que les spores dans ses poumons ne disparaîtront pas de sitôt. Une sensation de brûlure a envahi son système respiratoire, causant un sifflement inquiétant à chaque inspiration. Pourtant, l’homme n’ose rien nommer de son inconfort et se contente de suivre la chercheuse vers l’endroit indiqué. Il se doute qu’il se sentira mieux une fois sorti de ces cavernes. La proximité avec Anastasia pourrait l’incommoder mais ce serait mal le connaître. Ely a peu de notions concernant l’espace personnel. Il suit sa guide sa rechigner, concentré sur sa respiration de plus en plus laborieuse. Puis un nouveau défi se présente à lui : un arbre à grimper, avec ses difficultés actuelles… Eh bien, heureusement qu’il a bénéficié d’un entraînement sévère. Ce n’est qu’une autre occasion pour lui de tester sa progression. Conscient que Fester ne parviendra pas à grimper comme eux, le jeune dresseur le rappelle à sa balle et surveille les environs d’un œil circonspect. C’est l’heure de dire au revoir à Paras mais quelque chose l’inquiète ici.
«Aller petit gars. Prends bien soin de toi et…»
Ely a vu quelque chose bouger, cette fois il n’en doute plus. Il se redresse nerveusement, jetant un coup d’œil entendu à sa partenaire d’exploration : il est l’heure de déguerpir. Aidant la jeune femme à passer devant, il se met à grimper à son tour avec une agilité compromise par sa toux. De nombreux bruissements se font entendre dans les branches de l’arbre, faisant frissonner le militaire. Clairement, quelque chose les surveille.
«Dépêchez-vous, cet endroit ne me dit rien qui vaille…»
Avec raison puisque soudain surgit une quantité impressionnante de Paras et de son évolution. Faisant claquer leurs mandibules, les insectes tentent d’intimider les voyageurs. Ely essaie de les apaiser de quelques paroles en vain. Il pousse donc Anastasia en pressant ses pas dans l’arbre, talonné par ces créatures. Il doit donner des coups de pied car certains tentent de s’accrocher à lui. Un d’entre eux a méchamment enfoncé ses pics dans son mollet, lui tirant un juron. Il a tellement de difficulté à respirer désormais qu’il en a la nausée. Il doit tenir, juste un peu plus longtemps. Attaqué de toutes parts, le garçon progresse en direction de la cime de l’arbre, d’où il voit enfin l’ouverture qu’ils cherchaient. Dans un cri désespéré, il lance à la jeune femme :
«SAUTONS!»
Y mettant ses dernières forces, Ely s’élance par l’ouverture et grimpe tant bien que mal jusqu’au sol de la forêt. Il s’écrase non loin, les poumons en feu. Sa tête lui tourne violemment. Pourtant, il sourit. Il a toujours aimé se perdre. Ça lui rappelle le goût de l’aventure.
Adala, terre de promesse. |
Heureusement pour son optimisme obstiné, car vu les élancements désagréables de ses poumons, il aurait tôt fait de se décourager. Leur exploration ne s’est certainement pas passé comme prévu, mais cet hurluberlu a tout de même l’audace de croire cette expédition absolument parfaite. Nul doute qu’Ely Del’Anna se forme ses propres définitions de certaines choses, à commencer par celle du plaisir. Roulant sur le côté pour réduire la pression sur sa cage thoracique, il se surprend à rire devant la fuite brutale qu’ils viennent de vivre. Il se redresse tant bien que mal, peinant à respirer. Sa compagne du jour semble s’en être parfaitement sortie heureusement. La tête échevelée et couverte de boue et d’ecchymoses, Ely trouve Anastasia plutôt mignonne, plus naturelle et accessible. Il se demande pourquoi elle tente de conserver les apparences plutôt que de s’exposer telle qu’elle est naturellement. Mais ça, les apprences, le garçon y est imperméable. Sa mère a tenté, pourtant. La proposition de la jeune femme lui tire un rire franc, rapidement interrompu par une vilaine toux.
«Eh bien, Anastasia, vous êtes une personne surprenante. Rien ne vous effraie, on dirait. Sitôt on vient de risquer notre vie que vous êtes déjà repartie en quête d’aventure. Vous avez raison par contre, il vaut mieux prévenir pour cette grotte tout de même. Je ne sais pas comment des adolescents inexpérimentés se seraient débrouillés dans les même circonstances.»
Le militaire se remet sur pied, encore un peu étourdi de sa chute et surtout dérangé par les spores qui embourbent sa respiration. De toute évidence il ne pourra pas tenir longtemps ainsi mais sa curiosité l’emporte. Un champ de fleurs, dans cette forêt? Le jeune homme pose un doigt réflexif sous son menton en tentant de replacer ses souvenirs. Il lui semble effectivement avoir entendu parler de cet endroit, mais l’a-t-il déjà visité?
«C’est nul les fleurs, je veux pas les voir.»
Même s’il ne croit pas en la nouvelle attitude de son fils, le père ne peut s’empêcher de grincer des dents. Il n’a pas l’habitude de le voir ainsi, fermé et même méchant. L’homme ne sait pas pourquoi l’adolescent lui réserve cette animosité aujourd’hui. Au final, peut-être la préfère-t-elle aux silences. Mais ça lui fait mal quand même. C’est probablement égocentrique, voire réducteur. Il a cru que l’affection de son seul enfant serait toujours acquise. Que leur lien de sang leur assurerait au moins ça, même s’ils ne vivent plus ensemble. L’homme ne répond pas. Il a affronté pire ennemi, après tout.
Entre deux grands rochers qui dissimulent un passage, une ouverture offre une vue sur une petite clairière isolée. Sous le couvert de bienveillants arbres, quelques fleurs ont commencé à émerger aux premières lueurs du printemps. Le cœur d’Ely est lourd tandis qu’il considère ce joli spectacle. Il sait qu’après cette visite, il ne verra plus son père pendant encore un long moment. Il n’aime pas les au revoirs. Il aimerait que ce soit autrement.
L’éclair s’est formé dans son esprit et le voilà qui repart avec la concentration d’un prédateur. À ses côtés, il a fait appel à Churro. Après avoir indiqué quelques instructions à l’Evoli, ils se mettent à la recherche de l’endroit nommé par Anastasia. Bientôt, les deux rochers apparaissent, dénichés grâce au flair du petit Pokémon. Sa besogne réalisée, le mâle grimpe sur les épaules de son dresseur qui scrute l’entrée de la petite vallée, mitigé. Ely a le sentiment d’une fin. Quelque part, il n’a pas envie que cette expédition se termine, malgré ses difficultés à respirer et l’épuisement causé par autant d’aventures et de souvenirs.
«C’est par là.»
Le militaire s’écarte pour laisser la chercheuse passer. La clairière est encore tapissée de neige éparse, mais d’entre ce tapis blanc surgissent quelques fleurs bravant le froid, avides d’un peu de soleil. Le garçon sourit, impressionné par cet endroit qu’il n’a peut-être pas su apprécier à sa juste valeur la première fois. Ce n’est pas sa faute, il n’a jamais été doué pour dire au revoir.
Adala, terre de promesse. |
Appréciation Anastasia dans une mission comme celle-ci, il y a de quoi surprendre. Pourtant son double jeu et les rappels réguliers sur ses véritables objectifs sont très appréciables. On a l'impression qu'elle manipule complètement le pauvre Ely mais c'est fait de manière très subtile je trouve. Bref de bons rps ! Simplement attention tu as tendance à changer de personne en cours de route passant du "je" au "elle". |
Appréciation La construction des rps d'Ely est très intéressante. Les nombreux retours en arrière permettent une bonne introspection sur le personnage, sans que les extraits placés soient trop longs et cassent complètement le rythme de lecture. En tout cas le jeune militaire est adorable et fait de son mieux pour cette mission, comme partagé entre son ancienne profession et la nouvelle. En tout cas des rps très agréables à lire ! |
Appréciation La mission a été très agréable à lire ! On alterne entre des phases d'exploration et des phases où les deux adultes apprennent à se connaitre tout en se cachant, comme si chacun se construisaient une nouvelle image face à l'inconnu. Simplement, le fond même de la mission aurait mérité peut-être un peu plus de détails, expédié un peu rapidement à mon goût. Sinon très bons rps continuez comme ça ! ■■■□□ - Trois étoiles : c'est bien ! Rien à redire si ce n'est que vous pouvez quand même faire mieux, montrez vous plus originaux, étoffez vos rps ! Explorez la mission jusque dans ses moindres recoins ! Vous recevez 100 jetons et 20 expérience supplémentaire. |