caractère
De longs cheveux blanchis régulièrement par les soins d’un coiffeur, tendent à onduler jusqu’au bas de tes fesses. Le miroir n’est jamais assez large pour tous les contenir, surtout après une journée au vent. Ils encadre un corps svelte, athlétique et assez grand. Tu mesures un mètre quatre-vingts. Tes yeux d’un bleu étincelant observent encore et encore chaque angle de ton corps, rien n’arrange cette dysphorie latente qui jamais ne s’éteint réellement malgré les multiples opérations. Il y a toujours ces regards dans des lieux publics où les corps sont mis à nus, tu ne les aiment pas. Même si certaines pourraient jalouser ta cambrure, le galbe de ta poitrine, un petit 85C qui ne changera plus aujourd’hui, tu es toujours coincée par la curiosité nouvelle des gens, que ce soient des regards ou certaines réactions, tu préfères ne pas fréquenter ces lieux. Tu préfères les airs, là où tes vents virevoltent, où ton sourire blanc, bordé de deux lèvres fines, mais pulpeuses ne cessent de s’ouvrir pour que tes rires s’évadent. Tes longs doigts au vent, tu aimes les hauteurs, tu aimes partir à l’aventure sans jamais rien préparer.
Pourquoi s’embêter ? Pourquoi tout préparer ? Autant partir immédiatement, tout le permet, on ne vit qu’une fois. Cette aventure, cette spontanéité, tu le fais pour oublier ce manque de confiance, car tu as toujours peur, le rejet, l’échec… Tu ne veux pas échouer, tu ne veux pas d’un environnement qui t’empêche de progresser. Ce que tu veux, c’est vaincre, progresser et briller. Tu veux être l’astre solaire autour duquel gravite le reste du monde, le reste de la plèbe. Marcher, c’est pour les gueux. L’élite, elle, vole. Les vents encores et toujours, l’envergure de ces grandes ailes qui enlacent le monde, font bouger les nuages, les fleurs, la vie. Ce vent qui détruire de sa colère, purger les affronts, celle qui charrie les peuples. C’est ça que tu veux devenir. Imposer les courants aux marées, dicter sa loi, prendre son destin en main.
Tu es une fille débrouillarde, persévérante et dynamique, tu ne tiens pas spécialement en place, tu vis peut-être un peu trop pour toi. Parfois, tu oublies que le monde ne tourne pas autour de toi, tu n’es pas égoïste, car tu partages volontiers la dernière part de pizza, mais tu aimes être au centre de toute l’attention. Tu aimes jouer, séduire, observer, créer l’envie et le désir, c’est l’âge, les hormones comment disent les vieux. Tu as besoin de ça pour te rassurer, ce qui provoque quelques soupirs chez ton frère et ta sœur d’ailleurs. Certains diront que tu es une sorcière séductrice et une cachottière. Non, tu es juste une reine qui se joue d’autrui pour rassurer la médiocrité de sa perception de soi. Tes longues gambettes dressées sur d’épaisses rangers ou de hauts talons, tu veux être la plus belle dans chaque style. Tu méprises les gens qui ne prennent pas soin d’eux, les idéalistes, les fanatiques et les ignorants.
Ils sont discrets, mais aux chevilles, on rate rarement ces chaînes brisées tatouées. Car tu t’es libérée de cette assignation à la naissance. Tu n’es pas née dans le mauvais corps, non, tu as juste obtenue la véritable forme de celui-ci. Tu veux symboliser cette nouvelle ascension à même le corps et lutter pour le respect de ta personne. Ça fais de toi une personne politiquement engagée dans la lutte, une personne qui désire aussi protéger de l’oppression et parfois, tu es un peu trop agressive et tu voles dans les plumes d’autrui. Tu n’es pas méchante, mais tu manques de patience.
Goûts de princesses, goûts de luxe, apparence ou réalité, tu manges des trucs bios pour enfiler un paquet de chips au vinaigre dans ta piaule, mais tu t’en fous, t’es avec ta sœur. Tu fais la meuf fitness live, à partir à la gym, se lever tôt, mais ça se flingue en soirée à sabrer le champagne. Les cernes portent le poids de tes conquêtes. Cendrillon fait sa crise, cendrillon se cherche, Cendrillon est instable. Cependant, Cendrillon fait ce qu’elle peut pour calmer ses larmes lors de cette fameuse insomnie, c’est pour ça qu’elle est levée pour partir au gymnase à sept heures.
Heureusement, ta sœur te fait toujours des crêpes au Cointreau avec du jus d’orange… Alors en échange, tu lui fais un marbré au chocolat avec du jus de fraise.
histoire
« Léo nie être un garçon », avait dit l’institutrice de CM2 alors que tu t’étais battue avec des élèves plusieurs fois après avoir exprimé ton mal-être, ta dysphorie à ton frère, ta sœur et tes parents. Léo nie, devient Léonie, car Léo nie être un garçon car Léonie être une fille. Rangeons ce dead name au placard ou oublions le.
Tu es la dernière des triplés de la famille Aurélius. Riches fabricants d’avions à d’Algatia. Devant toi, il y a deux anges qui ont toujours considéré que tu étais la personne à protéger, à couver. Ils sont ceux qui s’énervent auprès des autres, même si tu n’es plus la plus jeune que deux trois minutes. Un soupire aux lèvres, tu hausses souvent les épaules quand ils s’assurent que tu as bien mangé, quand ils s’assurent que tout va bien. Il faut dire que rapidement, ton mal-être s’est fait ressentir au primaire, lorsque sur l’île, vous alliez à la piscine apprendre à nager. Tu ne te reconnais pas dans ce que tu portes, ton corps te semble petit à petit difforme et il faut attendre le CM1 pour verbaliser qui tu es. Pendant cette période, tu te sens à l’étroit dans la chrysalide de ta peau. Tes ailes sont coincées sous les omoplates.
Les discussions avec la famille sont houleuses, si ta sœur, ton frère et toi ne parvenez à réellement nommer ce que tu ressens, à l’exprimer à tes parents, leur soutien te fais du bien, te rassure et t’aide. Tes parents, tu ne leurs en veux pas, de ne pas avoir su t’écouter au début, les phrases comme « c’est une phases », « ton corps change, c’est normal, tu verras après », « on va consulter un médecin, tu as peut-être mal quelque part ? ». Ils ont toujours fais au mieux, famille aisée, même riche, des ingénieurs reconnus, à la tête d’une entreprise à succès d’Hoenn et pourtant, l’or ne te rend pas heureuse, l’or est un leurre, tout t’es accessible, sauf ton identité. Les interrogations d’autres membres de la famille n’arrangeront rien, sans oublier celles et ceux qui refusent de comprendre, qui invisibilise ta peine, qui continue d’utiliser le mauvais prénom. Tes parents ont fini par prendre ta défense une fois qu’ils eurent compris les problèmes, mais ton frère et sœur étaient comme les deux têtes de la chimère qui protège la troisième : agressive, hargneuse, sans filtres.
Puisque ta puberté n’a pas encore eu tout à fait lieu, après plusieurs mois avec un psychologue et psychiatre spécialisé, tes parents acceptent de payer ta transition. C’est cruel de se dire qu’il faut l’accord d’autrui pour soi-même, cependant ce n’est pas à tout juste onze ans que tu peux financer cela. Tu découvres la prise d’hormones, une infirmière vient régulièrement, ton frère et ta sœur décident de quitter le collège afin de faire l’école à la maison afin que tu ne souffres pas de transphobie. Vous avez la présence de plusieurs enseignants, certains connaissent vos parents, sont même des amis et cela t’offre un moyen d’échapper au poids du regard social.
Les changements opèrent rapidement, après six mois, ta coupe un peu étrange, car tu dois tout laisser pousser, ta puberté féminine opère. Ces changements sont extraordinaires pour toi, mais tu alternes entre des phases d’euphorie, de peine, de panique, de joie, de dysphorie. Ton frère et ta sœur rentrent dans une phase de découverte des relations romantiques, mais tu te sens privée de cela, car tu as peur, autant de toi que de l’autre et cela te frustre. À seize ans, au moment de te recenser, tu fais ton changement d’état-civil. Ce prénom t’appartient enfin, Léonie. Tu vois également avec certains médecin pour une opération à la poitrine afin de structurer ta poitrine et obtenir enfin la forme finale après la chrysalide. Ta sœur jumelle te suggère de teindre ces cheveux en blanc afin de créer un contraste de sœurs fatales avec vos chevelures opposées, le ying et le yang. Avec ton frère, tu vas souvent faire du sport, sculpter ton corps par l’effort, un moyen de garder le contrôle et avoir la morphologie que tu veux et espères.
À dix-huit ans, tu as enfin une expression de genre qui te corresponds. Tu te sens enfin apte socialement à t’intégrer durablement dans un groupe. Tu veux fréquenter des gens, pas seulement quelques heures dans une boutique, mais bien dans le campus universitaire. Le domaine familial est certes cool, bien entendu que tu aimes tes proches, mais tu as besoin de prendre ton envol. La migration de la Pokémon Community et son ouverture aux plus vieux semble l’opportunité idéale. Tu t’y inscris sans hésitation.
Ton objectif ? Voler, avoir les cieux pour toi, tu as toujours eu cette métaphore de l’oiseau et la cage. Tu veux t’émanciper et prouver qu’après tout ce temps à être couvée, tu peux quitter le nid, t’élancer dans les cieux, être le chasseur et fondre sur tes proies. Sans pouvoir t’approcher de l’arène d’Algatia, tu as toujours admiré les jumeaux champions.