Itzan ne sait pas vraiment combien de temps il est resté là à attendre que son cœur se calme, que ses pensées se remettent en ordre. Dans la douleur, sa respiration a fini par reprendre un rythme plus acceptable. Il n’avait jamais fait de crise de panique. Il a bien sur été angoissé parfois, et le contact avec les cristaux lors de sa première rencontre avec Aniline l’a bien secoué. Mais rien n’a jamais été comparable à ce qu’il vient de vivre. Cette horrible sensation que quoi que l’on fasse, on va mourir.

Heureusement, malgré le choc, on ne meurt pas lors de ces crises. On souffre juste en pleurant, le temps que le corps se calme de lui-même, terrassé par la fatigue imposée artificiellement par l’esprit. Et pour le gitan, impossible de ne pas comprendre ce qui a déclenché une telle crise. La découverte de ce que pourrait être physiquement un esprit nocturne, l’attrait tout particulier pour ce pokemon sur lequel il n’a eu aucun contrôle, et surtout l’angoisse grandissante de ne pas être en mesure de maitriser son don, le jour où les esprits nocturnes décideront de prendre possession de lui.

Tant de tourment qui l’ont empêché de se concentrer sur les bruits environnants, et sur cette présence désormais accroupie juste devant lui.

Monsieur Xoaelteño

Il n’y a qu’une seule personne qui l’appelle comme ça ici, avec cette intonation.

Son référent.

Monsieur Nahr.

Pourtant, le bleu ne trouve rien à lui répondre, si ce n’est simplement relever les yeux un peu, détaillant la silhouette masculine devant lui, semblant attendre quelque chose. Doucement, il fait descendre de son épaule Doudou, et le dépose sur les genoux du garçon. La créature pleure à très grosses larmes, et agite ses pates en direction de son dresseur qui s’empresse de l’attraper pour la coller tout contre lui, les yeux brillants.

— Doudou est venu me chercher. Il m’a fait comprendre que vous n’alliez pas bien. Cela a un rapport avec ce qu’a fait Aniline j’imagine ?

Le gitan n’a pas besoin de répondre, son référent ayant déjà la réponse à sa question. Il connait le passif de son élève avec les cristaux, sous toutes leurs formes, ayant d’ailleurs été obligé de lui adresser des remontrances pour son attitude avec les adultes. Seulement, à le voir là au sol, bien loin de l’allure qu’il se donne au quotidien, cela convainc le professeur que tout cela n’est pas un simple caprice de l’agent en formation.

— Tous les élèves ont été renvoyés dans leur chambre. Cette petite cérémonie est terminée. Il est temps de rentrer.

L’adulte se relève de lui-même, attendant qu’Itzan en face de même. Sentant que de toute façon, le professeur ne partirait pas sans lui, le bleu se relève également, tant bien que mal en s’aidant de la pierre sur laquelle il était appuyé. La panique l’a terrassé bien plus qu’il ne l’aurait imaginé. Complètement tremblant sur ces jambes, il ressemble à un bébé pokemon qui ne parviendrait pas à se lever.

Alors que le Voltali cherche une solution pour marcher sans se casser la figure jusqu’à son dortoir, son référent prend les devants et en quelques mouvements, le force à monter sur son dos, installant le garçon de sorte à ce qu’il se tienne à ses épaules, et que lui le porte en dessous des cuisses.

— Monsieur qu’est-ce que vous faites ?! C’est bizarre là !

— Il n’y a rien de bizarre. Je ramène juste mon élève qui ne se sent pas bien jusqu’à sa chambre.

Itzan a bien essayé de se débattre un instant pour descendre, mais face à la poigne de son professeur, il a vite abandonné l’idée. Et puis, même s’il ne l’avouera jamais à voix haute, s’appuyer contre le dos d’un adulte qui a l’air de maitriser la situation pour relâcher la pression, ça fait beaucoup de bien.

— Personne ne vous a jamais porté comme ça ? Votre père par exemple ?

— Non, je n’ai pas de père.

— D’accord – le professeur absolument pas gêné par la réponse du garçon. Et votre mère, elle ne le faisait pas pour vous ?

— Si, elle me portait, mais pas comme ça. Plus devant elle, contre son cœur, quand j’étais tout petit. Mais ça fait longtemps qu’elle ne peut plus le faire, je suis trop grand.

— Je ne pense pas qu’il y ait un âge pour être réconforté par sa maman. Elle ne peut peut-être plus vous porter, mais j’imagine que ses bras sont toujours ouverts pour son fils non ?

— Oui…

Le bleu ne rétorque plus rien, son corps complètement appuyé contre celui de son professeur. Quant à Doudou, il a repris sa place dans la capuche du garçon, ses sanglots s’étant un peu calmés au fil des bercements involontaires du vêtement. Il a surement eu très peur pour son dresseur. Il ne l’a jamais vu dans un tel état après tout. Normalement, c’est le typé fée qui pleure et qui panique, pas l’inverse.

Après quelques minutes, le duo est finalement revenu à la maison Voltali, juste devant la chambre du garçon. Doucement, le référent fait descendre son élève, de retour sur ses jambes capables de les porter le temps de retourner jusque dans son lit.

Le gitan ne sait pas trop quoi dire. Le moment est un peu gênant. L’espace d’un instant, il a eu l’impression d’être le fils de Monsieur Nahr, et plus son élève. Une proximité avec un homme adulte qu’il n’avait jamais connu.

— Reposez-vous maintenant, vous en avez besoin pour vous remettre de vos émotions. Et prenez le temps d’appeler votre maman demain.

Le professeur adresse un signe de tête à Itzan avant de repartir en direction de sa propre chambre. Pour lui aussi, la soirée a été particulièrement longue et éreintante. Finalement, le bleu s’affale dans son lit, mettant en place Doudou sur son oreille. En quelques mouvements, il se retrouve seulement vêtu d’un t-shirt, en sous-vêtement sous sa couette, complètement roulé en boule. Monsieur Nahr n’a pas tort. Il est épuisé, il doit se reposer.

En revanche, il n’appellera pas sa mère le lendemain.