La fleur qui s'épanouit dans l'adversité est la plus rare et la plus belle de toutes.
Ci-joint les commentaires de différentes personnes ayant croisé Ewan dans son parcours.
Miranda Louse, professeure de littérature.
Ewan est un jeune homme sérieux, qui fait preuve de beaucoup d'imagination. Ses multiples lectures lui ont procuré une grande culture et il s'exprime à l'oral, comme à l'écrit de manière distinguée et fleurie. C'est un jeune homme sensible, plein de potentiel mais qui manque un peu de souplesse, il fait preuve d'une tenue qui dissimule certainement sa véritable sensibilité. Ses interventions en classe n'ont pas toujours été appréciée de ses camarades car, bien que pertinentes, elles reflétaient souvent une forme de supériorité assumée ou de la froideur.
Scarlett Sanders, professeure de ballet.
Ewan excelle dans l'art du ballet, par sa grâce naturelle mais aussi et surtout par son incroyable rigueur. Il est très exigeant avec lui-même et persévérant pour atteindre ses objectifs. Malheureusement, il tend à exiger des autres la même rigueur qu'il s'impose. Pour les chorégraphies rassemblant des grands groupes ce n'est pas un problème, mais lorsqu'il s'agit de travailler en équipe réduite, son attitude peut être mal perçue. Il est excellent et son plus grand défaut est sûrement de le savoir. Il ne fait pas preuve d'arrogance mais manque parfois d'empathie vis-à-vis de ses partenaires.
Dominique Tomet alias Dom' Tom', professeur d'EPS.
Ewan a l'air d'être un bon p'tit gars, dans certaines disciplines où il se sent à l'aise, il peut être très performant. Mais sa morphologie très svelte n'est pas un atout pour tous les sports. Il a toujours la volonté d'essayer mais lorsque l'obstacle est trop grand, il ne fait plus aucun effort. Ou bien lorsqu'il estime que le temps est trop précieux pour être consacré à un sport comme le Step. Bref, ce n'est pas toujours facile de se retrouver face à un gamin qui met un peu de mauvaise volonté mais lui, il sera capable d'argumenter et de justifier son non-investissement pendant plusieurs heures. J'ai toujours préféré ne pas persévérer quand il n'avait pas envie et profiter seulement d'Ewan dans ses bons aspects, dans les sports qui lui plaisent.
Lucie Bulle, camarade de classe.
Il est trop beau Ewan, avec ses cheveux clairs et ondulés, ses yeux dorés, son visage aux traits fins et ses joues de bébé. En plus, il est assez grand ce qui est un atout non négligeable, il est un peu frêle mais son corps est dessiné par la pratique de la danse. Il fait partie d'un groupe d'amis de garçons avec qui il loge à l'internat. Ils se font un malin plaisir de snober les filles, et lui tout particulièrement. Une amie à moi, j'vous jure c'est pas moi, lui avait écrit une lettre pour la Saint Valentin, il l'a même pas ouverte, comme s'il en avait rien à faire.
Rick Raque, ami de sa bande.
Ewan, il est un peu discret mais trop sympa. Déjà il est super intelligent alors à chaque fois il peut nous sortir des situations pourries. Et puis il est hyper serviable, enfin, c'est pas pour être méchant hein ? Mais c'est comme s'il avait toujours quelque chose à nous prouver, comme s'il voulait tout le temps être au meilleur de lui-même. C'est drôle parce que du coup, on fait attention aussi et on essaye de lui rendre la pareil, on essaye de mieux se comporter tout ça. Parfois il nous engueule et c'est plus flippant que nos parents, après on n'est pas obligés de l'écouter et on aime bien le charrier là-dessus.
Maiwenn O'Hara, maman.
Depuis l'accident, Ewan a forcément changé. Il se réfugie un peu dans le sarcasme mais il reste le même. Mon fils est quelqu'un de fondamentalement bon, il fait constamment des efforts pour être poli et élégant avec les autres, il est rare qu'il laisse tomber ses barrières. Évidemment que souvent, il n'en pense pas moins comme on dit, mais il sait se tenir. J'espère simplement que la perte de son bonheur ne le rende pas irascible. Je ne pense pas, mais il mettra forcément beaucoup de distances avec ses nouveaux camarades. La pire chose qui pourrait lui arriver c'est d'être tourné en ridicule, de ne pas être « parfait » devant les autres.
Dans ce souvenir je suis assis sur les genoux de ma maman et nous regardons la télé. Tout cela a du se produire quand j'avais cinq ans, je ne m'en souviens pas exactement, mais ma mère m'a répété l'anecdote. C'était un soir comme beaucoup d'autres où ma maman laissait de côté son travail pour que nous partagions un moment de tendresse. Un moment qui durait jusqu'à ce que mes yeux se ferment, jusqu'à ce que mon sommeil et mes rêves débutent. Ce soir-là, un ballet était diffusé, Le Lac des Cresselias. C'est la première fois que j'entendais la mention de ce pokémon appartenant au folklore de ma région, un pokémon légendaire qui représente le croissant de lune et qui serait la cause des rêves les plus doux.
Ce ballet est sûrement l'un des plus connus, il raconte l'histoire d'un prince qui tombe amoureux du Pokémon Cresselia qui, dans cette légende, se transforme en jeune femme lorsque la lune brille. Il veut l'épouser mais l'intervention de Darkrai l'en empêche. Il trompe ses sens en lui présentant une version obscure de Cresselia... C'est un très beau ballet quoiqu'il en soit, il met à l'honneur les contrastes entre les belles couleurs du pokémon lunaire et l'obscurité du pokémon noirtotal, la musique est absolument divine et les chorégraphies brillantes.
Ma mère m'a raconté que je m'endormais toujours devant la télévision dans ses bras et que c'est comme ça qu'elle me mettait au lit certains soirs où elle était trop fatiguée pour me raconter une histoire. Ce soir-là je ne me suis pas endormi et mes petits yeux écarquillés n'ont pas quitté l'écran de toute la durée du ballet. Dans les nuances ambrées qui habillent mon regard se reflétaient les danseurs, des images qui resteraient à jamais gravées dans ma mémoire. À tel point que je m'essayais à en reproduire les figures dans notre salon. Je poussais le canapé, j'en faisais ma scène et je lançais le CD que ma mère m'avait procuré. Inlassablement je dansais et il est apparu comme une évidence qu'il fallait m'inscrire à des cours de ballet pour canaliser cette énergie. C'est ainsi que ma passion est née, un soir devant la télé sur les genoux de ma maman.
Mon père est absent de ce souvenir, comme de tous les autres d'ailleurs. Il fit le choix de quitter ma mère à l'annonce de mon arrivée, il ne pouvait pas abandonner son rêve si original de devenir le plus puissant dresseur du monde, de parcourir les grandes régions, d'obtenir tous les badges tout ça... Laissant ainsi ma mère seule face à la perspective de devoir m'élever. Elle décida d’emménager près du Lac Courage à Sinnoh, dans un petit village sans arène aux abords de la route 222. Ma mère y fabrique des gants, et pas n'importe lesquels ! Ils ont une certaine réputation... De grandes stars se déplacent des podiums de Kalos jusqu'à chez nous pour venir s'en procurer ! Bien sûr elle m'expliquait que cela avait mis un certain temps avant de fonctionner, mais l'important c'est que nous vivions bien grâce à cela.
Elle n'avait pas choisi ce village pour rien, il était isolé et je ne risquais pas d'y croiser des dresseurs aux ambitions de champions d'arènes. Les pokémons ont toujours été très secondaires dans nos vies, il était rare qu'une famille en possède plusieurs dans le village et la plupart se chargeaient de veiller à ce que les pokémons sauvages ne viennent pas perturber notre quotidien. Ma mère ne possédait qu'un Grodoudou qui s'appelle Chewing-gum, il l'aide principalement pour l'organisation de son commerce. Elle avait d'autres pokémons autrefois mais elle les a échangé à de jeunes dresseurs pour pouvoir acheter la maison et débuter son business. Je n'ai jamais été pressé de posséder un pokémon, mon but a toujours été de devenir danseur étoile, apprendre à dresser des pokémons ne me serait d'aucun aide. Bien sûr, j'en croiserai sur ma route, de nos jours humains et pokémons partagent souvent l'affiche des grands spectacles, ce qui ne signifie pas que je dois forcément en posséder. Et puis Chewing-gum s'est beaucoup investi dans ma vie, surtout lorsque j'étais très jeune, il aidait beaucoup ma mère et il a toujours été comme mon pokémon aussi.
Avant mes dix ans, mon quotidien se résumait très simplement. Le matin je me levais pour aller à l'école qui était donnée à quelques pas de ma maison. Je connaissais tout le monde du village, nous, les jeunes, étions tous amis. Nous jouions dans le parc municipal, je rentrais le soir pour dîner, ma mère s'arrêtait de travailler et nous passions la soirée ensemble. Plusieurs fois par semaine, j'assistais à des cours de danse donnés par une ancienne danseuse qui avait choisi le village comme havre de paix pour sa retraite. Elle était brillante et m'a toujours beaucoup encouragé. J'étais aussi passionné par la lecture, particulièrement les ouvrages fantastiques, j'ai toujours été rêveur, du genre à m'allonger dans l'herbe et commenter les nuages pendant des minutes qui se suivent et deviennent des heures.
Cette magnifique période champêtre et innocente dut inévitablement prendre fin. Il est forcément un temps où le petit village ne suffit plus et à dix ans révolus je dus me rendre à Rivamar pour suivre l'école. Cela m'a permis aussi d'assister à des cours de danse plus diversifiés et de beaucoup progresser. Cependant la pré-adolescence est un âge ingrat. Je ne parle pas de moi, mais des brutes qui me servaient de camarades de classe. À longueur de journée j'étais insulté pour ma différence, mes manières efféminées, mon expression fleurie. J'étais distingué parce que j'aimais la grâce et l'élégance que m'inspirait la danse, seulement ce n'était pas aux goûts de tous.
Se rendre à Rivamar n'était déjà pas une partie de plaisir. Tous les matins très tôt nous partions de mon village, quelques enfants de mon âge et moi, et nous devions emprunter la route 222 pour atteindre la ville. Évidemment bourrée de pokémons sauvages, un encadrement par des adultes était nécessaire, ainsi que leurs pokémons. Aucun mal ne nous est jamais arrivé sur cette route et pourtant je croisais les doigts chaque matin pour qu'un malheur advienne et qu'il m'empêche d'assister aux journées horribles que je subissais. Je n'osais pas en parler à ma mère, je rentrais souvent très tard le soir, le temps de faire le chemin inverse pour revenir au village, il était hors de question que ma maman subisse mes pleurnicheries après ses journées de travail. Et puis c'est plus simple de parler des belles choses, des livres que je lisais dissimulés dans les recoins de l'école aux heures de récréation, des nouvelles figures que j'apprenais pendant mes cours de danse...
C'est ainsi que chaque soir avant de pousser la porte de ma maison, j'essuyais mes larmes et m'armais de mon plus beau sourire. Parfois je devais aussi justifier des bleus que je mettais facilement sur le compte de la danse. Un jour cependant, il me fut impossible de continuer à mentir. C'était lors d'une sortie scolaire au Grand Marais. C'est un lieu impressionnant à Verchamps, l'autre grande ville près de mon village. On y trouve une faune et une flore particulièrement exquise, je me souviens avoir beaucoup apprécié le début de la visite. Mais une fois encore, les brutes sont passées à l'action, à la première mare de boue à portée ils m'y jetèrent la tête la première. J'eus tellement honte que je me suis éloigné du groupe en courant. Je me retrouvais seul dans le Grand Marais, un lieu où les dresseurs les plus expérimentés viennent évaluer leur compétence... Par chance, j'ai découvert que les pokémons sauvages ne sont pas tous d'un naturel agressif. Adossé contre un arbre à pleurer, j'étais rejoins par des maraistes et des marills, venus me nettoyer de la boue qui recouvraient mes vêtements et ma peau. Alors que la nuit approchait, un dresseur passant par là me raccompagna jusqu'à l'accueil. Ma mère dut venir me chercher et je n'avais pas d'autre choix que de lui dire la vérité. Elle s'en voulait beaucoup de ne pas avoir deviné mon malheur mais elle était déterminée à y mettre fin. Ma vie ne serait plus jamais la même à partir de ce moment.
La semaine d'après je rejoignais une école d'art d'Unionpolis à renommée internationale. Elle proposait un internat et j'en profitais pendant trois ans de ma vie. Je ne retrouvais mon village que le week-end, parfois pendant les vacances quand je n'étais pas envoyé à l'étranger pour un stage intensif. Avoir les moyens pour accomplir son rêve, c'est la plus belle chose au monde, j'étais heureux et performant, mes notes étaient excellentes et j'étais perçu comme très prometteur. Déjà on me proposait des rôles d'enfants dans des ballets à envergure mondiale, j'étais la coqueluche de mon école, le chouchou de mes professeurs, la fierté de ma mère. Ces trois années étaient absolument fabuleuse aussi sur le plan social car j'avais beaucoup d'amis, des gens très différents avec qui je partageais beaucoup de points communs. Vivre dans une grande ville me changea aussi, j'appréciais soigner ma tenue, je m'ouvrais plus sur le monde. Nous croisions souvent des voyageurs et comme je le disais précédemment j'ai eu l'occasion de voyager pour des stages.
Mais je ne ressasserai pas tout ça si cette histoire se terminait bien et surtout je n'en parlerai pas au passé.
Le temps est venu pour le tournant tragique de ma vie, la péripétie qui fait qu'aujourd'hui je me retrouve dans un ferry en direction de l'Île Lansat et pas sur les planches en train de danser.
C'était un soir de gala, une représentation principalement adressée aux parents pour qu'ils témoignent de nos progrès aux alentours de Noël. Nous jouions Le Lac des Cresselia et je tenais le personnage de Darkrai. Mon costume était noir, terrifiant, splendide, je m'y sentais parfaitement à l'aise, j'avais une longue crête blanche et une sorte d'écharpe rouge. Évidemment, cette soirée prenait une signification toute particulière pour ma mère et moi. Elle devait sûrement déjà être en larme avant même que je ne fasse mon entrée en scène. Tous les souvenirs remontaient, les beaux comme les mauvais, tous ceux depuis que j'imitais les figures dans mon salon à cinq ans jusqu'à ce que je les réalise sur scène à treize. Mon entrée en scène est maintenant imminente, je croise les regards de tous mes camarades qui me soutiennent et qui bientôt partageront le scène avec moi... C'est parti !
Un, deux, trois... mes pieds glissent, mon corps s'élance naturellement, je tourne et je vrille avec grâce. La chorégraphie je la connais par cœur, le personnage m'habite. Je sens les regards admiratifs encourager ma frénésie. Chaque inspiration gonfle mon buste comme si j'allais souffler une maison, chaque expiration me fait m'envoler et survoler les planches. Ma mère me regarde, ce jour sera forcément l'un des plus beaux de ma vie !! … À moins... à moins que je n'échoue un pas d'un petit écart, rien de bien grave, personne ne l'a vu... mais si, moi je l'ai vu... et si je l'ai vu, ma mère l'a vu ? À moins que cet hypothétique faux pas ne me tourmente l'esprit au point que... au point que je ne chute lors d'une figure ambitieuse... que de cette chute, je ne puisse plus me relever, que le plus beau jour de ma vie devienne un cauchemar, que ma mère témoigne de cet échec, que j'ai honte, que j'ai peur... que peut-être c'est grave ?
«
Maman ? »
Mon corps étalé sur le sol, des cris de stupeurs tout autour de moi. On appelle à l'aide, une meute de danseurs s'approche de moi pour voir de plus près. J'ai mal, très mal, ma respiration est haletante, ma vue se trouble. Que se passe-t-il ? Pourquoi ? Un bruit de pas, je le reconnais, c'est ma mère elle approche, elle crie mon nom. Forcément je souris et sur ce visage apaisé mes paupières se ferment.
Elles s'ouvrent ensuite sur le visage souriant de ma tendre maman assise à côté de mon lit d'hôpital. Elle me salue, je lui réponds. Je sens mes orteils, mes jambes, je les bouge, je fais tourner ma cheville, pas de plâtre, rien.
«
Comment vas-tu mon prince ? Ce n'est sûrement pas si grave, tu seras très rapidement remis sur pieds, j'en suis sûre. -
J'ai gâché tout le gala...-
Mais non, bien sûr que non. Et puis tu étais tellement beau, personne n'aurait pu suivre !-
Mais oui bien sûr...-
Repose-toi, tu en as besoin. Je reviens avec de quoi manger. »
Mon regard suit la sortie de ma mère. Je la sens nerveuse, c'est normal, elle s'inquiète, moi aussi je m'inquiète. Je vois ensuite dans le coin de la pièce Chewing-gum, avec ses grands yeux bleus et son corps tout rose. Il fait une grimace pour me faire rire et ça fait mouche. Ma mère m'a apporté mes livres alors j'en prends un et reprends la lecture où je l'avais laissé.
Quelques minutes plus tard, j'entends du verre se briser dans le couloir. Je mets de côté mon livre, je me penche comme si j'allais pouvoir voir quelque chose, Chewing-gum me fait signe de rester allongé. Ce bruit de fracas est suivi par des sanglots, ceux de ma mère.
«
Maman ? »
Ma mère fait son entrée dans ma chambre, à la main elle tient des fleurs, à en voir l'eau qui s'écoule de leurs tiges c'est leur vase qui a été brisé. Elle renifle un peu pour ravaler ses pleurs, pose les fleurs telles quelles sur l'étagère et vient se rasseoir près de moi, posant sa main sur mon front.
«
Mon petit prince... mon étoile filante... Je viens de voir le docteur et.... »
Interrompue presque un mot sur deux par son incapacité à me dire les choses, j'essaye de rester droit pendant cette épreuve. Je sais que la nouvelle sera mauvaise, à quel point ? Mes paupières déconnent déjà alors que je ne sais même pas de quoi il en retourne...
«
Tu ne pourras pas devenir danseur mon cœur... Si tu persistes dans une pratique intensive, tu risques de perdre l'usage de tes jambes. Tu peux toujours danser un peu, courir... mais tu ne peux pas en faire ton métier... »
Les larmes coulent sur mon visage... en silence. Le choc prend le dessus sur le reste, je fixe ma mère avec incompréhension, ce n'est pas juste. Je suis à la fois en colère et triste, mon visage chauffe du premier sentiment et s'humidifie du deuxième, une sorte de hoquet me prend comme si je ne savais plus respirer.
«
La vie n'est pas juste mon ange et tu y es confronté incroyablement tôt. C'est comme ça, on n'y peut rien, ce n'est pas une question de mérite, de retour des choses ou quoi. La vie elle est comme ça, parfois elle punit les innocents. Je n'ai pas les mots pour te consoler, on trouvera quelque chose, il est hors de question que tu retournes dans ce bahut minable de Rivamar. »
Tout se bouscule, j'ai envie de hurler, je commence par gémir, mon visage se déforme, mes poings se serrent, ma mère me prend dans ses bras, je craque et je crie. Oui, la vie n'est pas juste...
J'ai mérité mon bonheur, j'ai travaillé dur, j'ai affronté l'intolérance des autres, j'ai toujours soutenu les gens que j'aime, j'ai été bon élève, j'ai fait les choses biens, je ne me suis pas moqué des autres, je n'ai pas été méchant, je n'étais pas prétentieux, alors à quoi bon continuer ? C'est une question de vie après la mort ? Mais peu importe ! Le paradis qu'était pour moi la vie vient de se charger des flammes de l'enfer !
Quelques jours plus tard je quittais l'hôpital et ma mère m'annonçait avoir trouvé un internat qui me ferait du bien, la Pokémon Community. Je passais donc mes fêtes de Noël isolé dans l'attente de rejoindre cette fameuse école qui ne me faisait ni chaud ni froid. Le goût de la vie semblait s'être effacé. Je passais mes journées à végéter dans ma chambre, quand l'envie me prenait j'ouvrais un livre, je le terminais rarement. Je n'osais même plus faire de pointes tellement le fait de devoir restreindre ma pratique m'attristait, autant tout abandonner. Ma mère et Chewing-gum me laissèrent de l'espace pour vivre mon chagrin, parfois je leur parlais de ma tristesse, parfois je n'en avais pas la force.
Les derniers jours de janvier finirent par arriver et avec eux mon départ pour l'Île Lansat. Il était temps pour moi de prendre le ferry de Verchamps et de découvrir cette nouvelle vie. Je n'allais pas revoir ma mère pendant longtemps, là-bas il est hors de question de rentrer le week-end. Notre éloignement sera forcément difficile mais j'imagine que c'est mieux pour moi de mettre mon ancienne vie de côté au maximum, ma maman y compris. Avant d'embarquer, elle me prit dans ses bras puis s'agenouilla pour pouvoir regarder mon visage sous tous les angles et me parler.
«
Mon prince. Je sais que tu es triste, je sais que tu penses que la vie n'a plus de sens mais détrompe-toi. Tu sauras le trouver. La vie est faite de plein de chemins différents, un d'eux vient de se fermer pour toi mais d'autres vont s'ouvrir. Je sais à quel point il est tentant de tout envoyer balader, de devenir quelqu'un de méchant, de perdre confiance en l'autre et en soi, mais ce n'est pas la bonne réponse. »
Je n'avais jamais vu ma mère si engagée, si émue par ses propos. Je sentais qu'elle faisait tomber les barrières, que c'était un au revoir plus difficile que les autres, que nous n'allions pas nous voir pendant tout un semestre.
«
Tu sais, quand ton père m'a quitté, tout mon monde s'est écroulé, je ne savais plus où vivre, quoi faire de ma vie ou comment t'élever. Mais Chewing-gum m'a aidé à me remettre en scelle. Même si je dus dire au revoir à certains de mes pokémons à l'époque, sans ce cher Grodoudou je ne sais pas comment j'aurai fait. Il changeait tes couches pendant que j'essayais de lancer l'entreprise, faisait le ménage quand je n'avais pas le temps et m'a toujours soutenu émotionnellement. Nous avons la chance de vivre dans un monde merveilleux que nous partageons avec les pokémons. Même si je n'ai pas cherché en t'en approcher avant... de peur que tu veuilles suivre le même destin que ton papa, les pokémons sont merveilleux. Et si je souhaite que tu ailles à la Pokémon Community c'est parce qu'ils t'offriront un pokémon en arrivant et qu'ils t'enseigneront comment t'en occuper et t'en faire le meilleur des alliés !
...
J'ai voulu être cet allié pour toi mais maintenant il est temps pour moi de passer le flambeau. Sois heureux mon chéri, trouve ta voie et sois bon avec les autres. »
Je fixais les yeux plein de sincérité de ma mère. S'ils sont le miroir de l'âme alors elle est celle qui possède la plus belle du monde. Elle ne parlait jamais de mon père habituellement, ni de Chewing-gum en ces termes. Je la serrais dans mes bras comme seule réponse, les mots me manquaient et seraient inutiles. Sauf peut-être :
«
Je t'aime »
Ces mots là valent toujours le coup.
>>> <<<
C'est ainsi que je me retrouve à bord du ferry en direction de l'Île Lansat. En regardant par le fenêtre je remarque que l'océan n'a pas de limite et que les vagues semblent danser autour du bateau. Derrière moi, la région de Sinnoh et ses grandes montagnes est magnifique. Bien sûr, les derniers mots de ma mère résonnent encore dans ma tête, je ne dois pas abandonner, je serai quelqu'un de bon. À ma droite il y a un jeune homme qui a l'air un peu nerveux. Par-dessus je lis la brochure qu'il tient entre les mains. C'est celle de l'académie. Elle présente les différentes formations dispensées.
«
T'as pas ta brochure ?-
Oh euh... Bien évidemment, je vais sortir la mienne. Désolé de t'avoir importuné. -
Pfff gros naze. »
Être une bonne personne peut tout de même s'avérer difficile parfois. Je murmure un « idiot » qui ne demande qu'à être hurlé sur cet imbécile et sors de la pochette du dossier qui me fait face la brochure de l'académie. Décidément il y a pas mal de spécialisations proposées, je ne m'étais pas du tout penché sur la question. Visiblement il ne faut pas se tromper, ça semble être un sacré engagement.
«
Excuse-moi ?-
Quoi ?-
Tu as une idée pour ton parcours ? Désolé, mes manières sont un peu cavalières mais je me pose ss....-
Euh, ça se voit pas franchement ? Topdresseur bien sûr ! Regarde bien ma tête parce que bientôt je serai dans l'élite 4 et je serai un des plus grand dresseur du monde ! -
Ça alors, comme c'est... ambitieux. »
Outre le fait que cela ne m'intéresse pas du tout, j'ai une certaine aversion pour les dresseurs pokémons de ce style après le départ de mon père. Tant pis pour le trajet de ferry, je n'y rencontrerai visiblement pas d'amis...
En arrivant sur l'Île et sans perdre de temps nous fîmes amenés à rencontrer le collectionneur. Mais c'est une histoire pour plus tard, comme les nombreuses qui m'attendent dans cette académie délirante.