... Adela. Ce nom se murmure dans les couloirs très souvent, à la manière d'une rumeur qu'on vient d'apprendre et qu'on souhaite faire tourner le plus vite possible pour que tout le monde soit au courant. Pourtant, Adela n'est pas une rumeur; elle est juste victime de ces dernières. La cause ? Ses manières et son physique y sont pour quelque chose.

Oh, quand nous parlons de manières, n'allez pas imaginer qu'Adela se comporte de façon odieuse avec son entourage, ou qu'elle n'est qu'une délinquante parmi tant d'autres. En réalité, elle a juste du mal à s'exprimer ... et de ce fait, elle demeure bien taciturne, peu éloquente, et laisse malgré elle souvent planer des silences lorsqu'on lui adresse la parole, attendant une réponse de sa part. Ce qui la rend "sans intérêt" aux yeux de certains. C'est vrai qu'une fille est bien plus intéressante quand elle a des choses à partager et à confier à ses amis.. Des amis ? Détrompez-vous ! Adela n'a pas d'ami, mis à part son pokémon avec qui elle vit depuis son arrivée à la Pokémon Community. C'est à lui qu'elle parle -chuchote- le plus souvent par ailleurs, et elle se sent véritablement en sécurité quand Fantominus est à ses côtés.

Lugubre, Adela est comparable à la neige; silencieuse, calme, peu bavarde, mais incroyablement douce quand on cherche à la connaître. Au fond, c'est une demoiselle maladroite et timide qui s'efforce à refouler ses sentiments comme elle peut. Elle s'est avec le temps forgée une carapace protectrice dont elle s'arme pour ignorer les critiques qu'on peut lui faire. Même si parfois, les mots peuvent s'avérer très blessants et sans raison, la jeune fille laisse et laissera toujours passer sans vociférer. Pourtant, elle ne pleure jamais malgré les brimades. Adela est tout simplement nulle, comme peuvent le suggérer les moqueries. C'est à cause de cela  qu'une grande partie de la confiance qu'elle renfermait en elle s'est finalement évaporée. Adela n'ose plus faire les choses, et reste donc monotone. Et bien étrange, accessoirement.

Petite. C'est le premier mot qu'on peut utiliser si l'on en vient à décrire l'apparence d'Adela, mais ce serait une perte de temps. Quoique ... elle passe facilement inaperçue. Son regard est souvent baissé vers le sol qu'elle foule furtivement et ses doigts sont la plupart du temps triturés entre eux.

Sa carnation aurait pu égayer un peu plus son allure si elle n'était pas aussi pâle; encore une fois semblable aux flocons qui flottent au gré du vent d'hiver, la peau d'Adela est froide. Encore faudrait-il gagner de sa confiance pour pouvoir vérifier cela.  Ses lèvres n'affichent que rarement des sourires et leur couleur, d'un rose dragée, apportent une petite touche de charme à son visage. Son nez n'est pas droit, il est même un peu en trompette, et ses sourcils ne sortent pas du lot.

Ses cheveux sombres, une fois détachés, lui tombent en cascade sur ses épaules avant de finir sauvagement leur chemin jusqu'aux creux de ses reins. Autant le dire directement, une fois son épaisse tignasse délivrée, Adela est méconnaissable; mais aussi ravissants soit-ils, la jeune fille ne peut pas se permettre de la laisser ainsi indépendante pour des raisons pratiques. C'est pour cela qu'elle les coiffe toujours en deux longues tresses, et loge parfois dans sa frange diverses barrettes. Malgré les soins apportés à ses cheveux, quelques épis y naissent..

Ah oui, autre chose, tant qu'on parle des accessoires. Adela porte de grosses lunettes rondes qui lui donnent un air comique, mais ce n'est pas voulu, hein. Quand on a des problèmes de vue, on fait comme on peut ... Derrière ces verres se trouvent des prunelles mystérieuses et énigmatiques aux tons violacés, et dans lesquelles on peut discerner une anxiété particulière. La demoiselle dégage également une sorte d'aura inquiétante.  

... Est-ce que, euh ... C'est à moi de parler, là ... ? *Ses joues se mettent à rosir alors qu'elle agite ses mains comme pour dissiper un malentendu* J-Je dois raconter ma vie ? ... C'est inintéressant, allez plutôt interroger d'autres élèves ... !

... J'imagine que je suis obligée .. ? Vous l'aurez voulu...

Je suis née le 6 juin à Hoenn, plus précisément à Cimetronelle, la ville forestière avec les maisons perchées en haut des arbres. Mais contrairement à ce que l'on peut croire, depuis que je suis petite, j'habite dans une maison tout à fait normale qu'on peut trouver en se frayant un chemin dans les bosquets. Ma mère est scientifique; c'est-à-dire qu'elle s'intéresse beaucoup au mode de vie des Pokémons. Parfois, lorsqu'elle revenait de ses voyages, elle ramenait quelques pokémons croisés sur sa route.. Elle nous disait toujours qu'ils venaient de leur plein gré, et qu'elles n'avaient pas eu à les capturer pour les garder avec elle. C'est pour cela que j'ai grandi avec beaucoup de pokémons, tous types mélangés. J'avais environ 4 ans quand elle rapatria un jeune Tylton à l'aile blessée. Nous avons fait tout notre possible pour le soigner, et nos efforts ont vraisemblablement porté leurs fruits puisque quelques jours plus tard, Tylton était totalement remis sur pieds, et il pouvait à nouveau voler correctement. Je passais le plus clair de mon temps avec lui, et je me suis rendue compte qu'il s'agissait du seul pokémon auprès duquel je me sentais totalement à l'aise, sans vraiment comprendre le pourquoi du comment. Mon père, grâce à ses talents de coordinateur, cédait des baies aux pokémons dans le besoin. Maintenant que j'y repense, je réalise à quel point notre maison ressemblait à une garderie.

J'eus plus tard droit à des reproches de la part de mes parents, qui disaient que je ne sortais pas assez souvent. Sortir, pourquoi faire .. ? Pour me trouver des amis ? J'ai mieux à faire.. Je me sens mieux auprès des pokémons. Alors, pourquoi avoir besoin d'une autre sorte compagnie ? Après tout, nos pokémons étaient mes amis...

... Non ?

Enfin, bref.. Tout allait bien. Mais, pour des questions d'éducation, on m'obligea à m'inscrire à l'école locale de Cimetronelle, qui accueillait les enfants des habitants. Maman ne remarqua pas ma réticence quand elle m'obligea à m'y rendre, en me disant que les élèves devaient être accompagnés d'une pokémon au moins. Mon choix ne dura pas longtemps; Tylton vola et se posa sur le haut de ma tête en entendant cette "bonne" nouvelle. Un peu plus rassurée par la présence du petit oiseau bleu, je me suis donc rendue à l'école. Le stress était à son comble bien évidemment, puisqu'en 6 ans d'existence je n'ai pas réussi à me faire un seul ami ici ... Je ne connaissais personne.

Comme je m'y attendais, j'ai été placée au fond de la classe, près de la fenêtre. Je savais que c'était involontaire de la part de l'enseignante, alors je ne risquais pas de dire grand-chose. Seulement, à la pause du premier cours, une petite fille quitta son petit groupe tapissé dans un coin de la salle pour venir me voir alors que je jouais discrètement avec Tylton.

"Eh, comment tu t'appelles ?!"

J'ai mis un certain temps avant de la regarder, comme si j'étais incertaine qu'on m'adresse la parole. J'ai balbutié quelques mots sans suite alors que mon pokémon virevoltait à mes côtés. La petite fille a haussé un sourcil avant de rejoindre ses amis, et éclata de rire. Malgré le brouhaha constant, je réussis à entendre ses murmures : "Cette fille ne veut pas me dire son prénom, elle est trop bizarre, vous trouvez pas ?" Je sentais le regard d'un des garçons de la bande se poser sur moi tandis que je fixais le paysage derrière la fenêtre, placide. "Eh, tu t'appelles comment ?!" m'interrogea-t-il, comme pour vérifier les dires de son amie. "Vous voyez !" et ils se mirent à rire aux éclats tous ensemble avant de regagner leur place pour le cours suivant.

En rentrant chez moi à la fin de la journée, ma mère m'a immédiatement abordée avec un sourire maternel. "Alors Adela, comment s'est passé ton premier jour d'école ?" Je me suis forcée à afficher moi aussi un sourire en lui répondant que tout s'était bien passé.

"Tu t'es fait des amis.. ?"

La question que je redoutais tant. Mais pour ne pas l'inquiéter, j'ai arboré un air faussement joyeux, et les traits usurpateurs de mon visage ne furent heureusement pas relevés. "Oh oui, j'ai déjà plein d'amis !" Elle m'ébouriffa les cheveux, comme pour me féliciter, avant de repartir s'occuper de ses pokémons.

Et ce scénario se répétait au fil des années. Cependant, au bout d'un certain temps ... Les remarques de mes camarades étaient un peu plus ... acerbes, je pense. Juste parce que je ne parlais pas. Juste parce que je ne savais pas quoi dire. Je sais que c'est de ma faute, et que je n'ai pas fait d'efforts...
Tylton me rassurait toujours. J'aimais me blottir contre ses ailes cotonneuses quand tout me paraissait sombre. D'après les autres gens de l'école, j'étais une fille étrange et effrayante. Les rumeurs s'intensifiaient au fur et à mesure, et on disait même que j'étais une sorte de magicienne nuisible prête à jeter des malédictions. Je n'avais rien de tout ça..

Je retrouvais le sourire à la fin de la journée, quand je rentrais très vite chez moi afin de m'amuser avec les pokémons de mes parents. Inutile de préciser que je préférais largement leur compagnie à celle des enfants de mon âge. Je ne me suis jamais plainte à mes parents, je ne leur parlais tout simplement pas de ça; ils étaient bien trop occupés avec leurs affaires personnelles pour me consacrer de l'attention, et je ne voulais pas les déranger. C'est comme ça depuis un bon moment, j'ai pris l'habitude, à force.

Mais c'est lors d'une journée ensoleillée où je n'avais pas école que mon père vint à ma rencontre avec une enveloppe à la main. Il m'a câlinée, avant d'agiter le morceau de papier sous mon nez. "C'est pour toi ! Lis donc, tu vas comprendre !"

Confuse, j'attrapai l'enveloppe et l'ouvrit afin d'en lire le contenu; apparemment, j'étais admise à la Pokémon Community. J'en avais déjà entendu parler; c'était une académie récente, disposée sur une petite île accessible en bateau quand on habitant à Hoenn. Je suis restée impassible alors que mon père allait tout annoncer à ma mère qui devint elle aussi ravie en apprenant cela.

Février approchait quand je fus contrainte de préparer mes affaires. Je n'ai pas emporté beaucoup de choses, mis à part mes vêtements et quelques ouvrages qui allaient me distraire durant le voyage. Une question me turlupina. "Papa ? Un pokémon m'accompagnera ? .." Papa eut un léger sourire et me répondit, sans pression : "Tu recevras ton propre pokémon quand tu arriveras sur l'île."

Aussitôt, mon regard se posa sur Tylton qui, avec une mine triste, me tourna autour avant de venir se caler contre moi pour une étreinte amicale. Je fis de mon possible pour lui prouver mon attachement. Les adieux se sont vite terminés, à vrai dire. J'étais déçue. J'allais me rendre dans un lieu inconnu, sans Tylton en plus. Je devais néanmoins apprendre à vivre sans lui.

J'étais cependant plutôt contente de changer d'environnement. À la Pokémon Community, je m'imaginais déjà apprendre un tas de choses sur les pokémons. Durant le voyage, deux dresseurs un peu plus âgés que moi livrèrent un combat. Discrète, j'observais la confrontation, intéressée. Si maman était scientifique et papa coordinateur .. pourquoi ne pas compléter le tableau en ayant pour projet de devenir dresseuse pokémon ? Je me suis sentie capable de le faire. Et parcourir le monde avec ma propre équipe de pokémon ... c'était mon nouveau rêve qui ne tarderait pas à fleurir.

Quand je suis arrivée sur l'île, on me délivra plusieurs papiers importants qu'il fallait remplir pour mon entrée à la Pokémon Community. Et tandis que je me demandais quel pokémon j'allais recevoir, un homme se présenta à moi dans les souterrains comme étant le Collectionneur. Il me céda une pokéball après une brève conversation bizarre, et, impatiente, j'attendais d'être toute seule avant de faire apparaître le pokémon.

Un Fantominus se tint désormais devant moi, avec un imperturbable sourire farceur. Autant le dire d'emblée, il m'a tout de suite plu. Nous nous sommes très vite attachés, et je tiens à lui plus que tout.
C'est ainsi que j'ai intégré la Pokémon Community, et je suis prête à faire face aux obstacles qui pourront encombrer mon chemin.

... Peut-être que .. j'ai trop parlé.. Excusez-moi.