Marie se sentait terriblement lourde.
Un poids pesait sur sa poitrine. Tristesse, regret, peine, toute sorte d'émotion peu guillerette la traversait de part et d'autre en ce moment même, la forçant inéluctablement à garder la tête baissée, à laisser couler les larmes, et à fermer les yeux. Comme dans l'attente d'une punition. Comme si un bourreau devait venir lui trancher la gorge dans l'instant, et qu'elle n'avait plus le droit de voir la mort en face. Elle qui l'avait tant cherchée. Elle qui l'avait tant désirée. Elle s'obligeait désormais à courber le dos, comme affaiblie par la fatigue et le temps, comme si l'on venait de lui tordre le cou, et qu'elle était désormais contrainte de fixer le sol pour le restant de ses jours. Car là était sa place ; et non pas dans ce ciel où elle aurait tant aimé s'épandre.
Marie n'était pas quelqu'un qui régnerait un jour à la lumière. Elle l'avait toujours su. Abnégation, bonté d'âme, générosité et compassion... Toutes ces vertus, elle en était dénuée : Marie était la paresse, Marie était l'orgueil, Marie était la colère, Marie était la jalousie, Marie était l'égoïsme même et l'individualité. Malgré tout, elle ne pensait pas un jour tomber si bas : là, à se lamenter la perte d'une énième famille l'ayant rejeté, pleurant une blessure vieille de bien des mois, et se morfondant dans les bras d'un homme qui n'en était pas un – dans ceux d'un adolescent, extérieur à tout cela, et qui préférait certainement le rester. Marie savait que ses défauts lui porteraient préjudice ; mais pas avec un acharnement si honorable, si ardent, sur l'ensemble de son vécu. Maintenant qu'elle en avait fait le bilan, elle s'en rendait bien compte : au delà de sa détresse perpétuelle, Marie avait à son actif une vie qui ne voulait pas d'elle et qui cherchait en permanence à la rejeter, sans toutefois lui donner la force et le courage nécessaire pour mettre un terme à tout cela.
Car la vie était bien cruelle. Elle savait correctement jouer les cartes qu'elle avait en main. Et même lorsque la partie était sur le point de se terminer, elle savait comment la relancer. L'acquisition de ses Pokémon, sa carrière de Ranger auquel elle tenait tant, l'arrivée d'Alban dans sa vie et de toutes les rencontres qu'il avait apporté avec lui... Comment se permettait-elle d'être triste malgré la tournure gaie qu'avait pris son quotidien ? Pouvait-elle réellement se plaindre de son actuelle vie ? De quel droit le faisait-elle ? Qu'est-ce qui donc ne tournait pas rond chez cette fille ?
Sa mélancolie, sans nul doute. Ce n'était plus tant les événements actuels qui la mettaient dans un tel état, mais bel et bien le bagage qu'elle transportait avec elle. Car Marie était de glace. Et aussi froide qu'elle puisse paraître... Elle était tout autant fragile que cette dernière. Le moindre coup la faisait voler en éclat, et la chaleur la consumait à petit feu, faisant fondre cette armure gelée qui s'était naturellement construite autour d'elle. Avec le temps, Marie perdait en résistance.
Mais gagnait en chaleur.
Ainsi, la vie la maintenait en état. Elle lui apportait son lot de consolation, de quoi reposer son corps et son âme, ainsi que le nécessaire pour panser ses blessures... Mais sûrement dans la simple attente de pouvoir rouvrir les plaies. Les rendre toujours plus grande, y mettre toujours plus de sel... Et pousser la jeune Marie une nouvelle fois à bout.
Une vision bien pessimiste des choses, qu'avait l'adolescente. Mais mettez-vous à sa place : comment faire confiance en quelqu'un vous ayant trahi pendant tout ce temps ? Si du jour au lendemain, celui qui vous battez à mort dans un coin de la cour venait vous tendre la main, l'attraperiez-vous spontanément ou frémiriez-vous, de crainte de recevoir une nouvelle correction ? Peut-être la saisiriez-vous, mais le feriez-vous en toute quiétude ? En toute confiance ? Marie n'était, hélas, pas aussi naïve. Elle peinait véritablement à croire en sa chance.
Ce qui était d'autant plus difficilement supportable quand la main se montrait insistante, sympathique, et dénuée de toute mauvaise attention.
Cette même main qui s'enserrait dans la sienne actuellement.
Marie frémit. Tremblotante, les yeux rouges, et le visage humide, elle s'écarta. Lentement. Très lentement. Son corps était pris pas de petits spasmes, à peine conséquent, mais qui donnait une impression de grelottement; des larmes continuaient de couler le long de ses joues, et sa robe, tout comme le haut de Nolan, en étaient désormais imbibés.
Hésitante, elle entreprit alors de relever le menton. Délicatement, sa tête remontait. Doucement, ses yeux se posèrent sur le visage adulte du Voltali.
Finalement, son regard croisa le sien.
Il prit la parole.
Enfin, comprenons-nous : aucun miracle lié au pouvoir de l'amour et de l'amitié n'eut lieu en cette soirée, dotant soudainement Nolan de capacités oratoires correctes lui permettant de mettre des mots sur ses pensées. Néanmoins, sa voix mentale, elle, retentit dans l'esprit de Marie, sans même qu'elle puisse y opposer la moindre résistance. Non pas que l'envie l'en lui prenait, cela dit.
Selon lui, elle n'avait rien d'une perdante. Sa persévérance n'était pas celle de quelqu'un qui échouait tout sur toute la ligne. Lui-même avoue ne pas savoir s'il serait capable d'une telle prouesse, préférant tourner les talons face au premier obstacle se dressant sur sa route, au lieu de l'affronter.
Apparemment, personne n'avait le droit de la juger apte ou inapte. Digne ou indigne. Forte ou faible. Et pas même ses parents, qui l'avaient complètement délaissée, à l'inverse de ceux de Nolan qui se sont unis face à l'adversité.
Lui n'avait pas le même bagage que Marie. Lui n'avait pas souffert des mêmes maux. Mais lui avait un soutien. Des gens qui l'encourageaient à toujours prendre la direction qu'il souhaitait, et ce même si cette direction s’avérait être une, fois encore, un contournement du problème. Car il souffrait déjà bien assez comme ça, sûrement. Car il n'était aucunement nécessaire qu'il endure encore plus de malheurs.
Car il pouvait très bien être ce qu'il voulait.
Et Marie aussi, y avait le droit. Mais elle n'y avait jamais pensé. On ne lui avait même jamais laissé entrevoir cette possibilité. Pourquoi l'aurait-elle fait ? Elle avait tellement de dette à régler. De comptes à rendre. Comment pouvait-elle s'octroyer le droit de s'en affranchir ? En quel honneur le pourrait-elle ?
D'après Nolan, elle n'avait besoin d'aucune raison. Aucune autorisation, aucune justification n'était nécessaire. Marie pouvait être ce qu'elle souhaitait. Où elle voulait. Quand elle voulait. Et avec qui elle voulait... Car elle y était arrivée, mine de rien, à se créer un tissu de relation, certes encore fin, mais bien réel. Marie n'était pas seule.
Marie n'était
plus seule.
Et puis, il était bien là, lui. Sa seule présence n'aurait-elle pas dû suffire à étouffer ses maux ? Celebi, le fabuleux gardien de la forêt en personne, ne l'en avait-il pas averti ? Pourquoi donc ne pas l'avoir réalisé plus tôt ?
Peut-être était-ce parce que Marie avait besoin de l'entendre dire. Car elle peinait à croire en elle-même. En sa chance. Elle semblait tellement... Fragile. Éphémère. Pouvait-elle se permettre d'y apporter un quelconque crédit ? Avait-elle raison de vouloir s'y rattacher ? Elle, à qui la vie avait toujours tout refusé ?
Eh bien... Il semblerait qu'elle le veuille, en tout cas. Ce n'était peut-être pas une bonne chose, peut-être cela ne ferait que l'achever plus tard, mais elle le voulait. Les paroles de Nolan lui avait donné envie d'y croire. Réaliser qu'elle pouvait être pleinement heureuse. Que l'on pouvait tenir à elle.
Qu'elle avait sa place, en ce monde.
Elle renifla. Ses pleurs avaient cessé. Ses yeux étaient toujours rouges, humides, et ses joues baignées de larme, mais au moins avait-elle calmé son hoquet et ses sanglots.
Nolan les avait calmés.
Maintenant, elle le fixait. Droit dans les yeux. Sans rien dire. Une expression perdue sur le visage, le souffle bloqué, elle faisait complètement abstraction du reste. Bien qu'interpellée par son mouvement, elle n'en fit elle-même aucun, le regardant calmement saisir sa guitare. Elle savait ce qu'il allait faire. Exactement la même chose que lors de leur rencontre.
Elle ne s'était jamais demandée quel lien étroit Nolan pouvait entretenir avec la musique. Ce qu'elle représentait pour lui. A quel point il la comprenait. Mais ce qui lui paraissait clair, était sa capacité à transmettre ses propres émotions par le biais de son instrument. Les siennes, et.... Celles des autres.
Il lisait en Marie. Comme dans un livre. Non, comme dans une partition. Partition qu'il jouait avec virtuosité. Exactitude. Précision. Cela aurait presque en devenir troublant.
La Mentali se reconnaissait dans cette musique. Cette mélodie, mélancolique, attristée, peut-être même lassée par le temps. Elle paraissait douce, calme et sereine, mais possédait un message sous-jacent. Celui que rien n'allait. Et que rien n'irait jamais. Qu'il n'y avait aucune raison de se réjouir, et qu'il fallait plutôt s'accoutumer à cette détresse. L'accepter. Et se laisser sombrer en elle. Car c'est tout ce qu'il y avait à faire.
Pourtant, la mélodie changea. Doucement, elle évoluait. Toujours aussi délicate, les notes se détendirent néanmoins, plus tranquilles, moins lourdes, et faisant preuve d'une bien moins grande pression dramatique. L'air devenait léger. Tendait les bras en direction du ciel. Voulait s’envoler. Se sentait prêt à le faire.
N'avait besoin que d'un battement pour y arriver.
Et elle s'envola. Soutenu par la brise, le chant se laissait porter, observant cet environnement poétique et mélodieux qui s'offrait à lui. Il était libre. Reposé. Régénéré. Il renaissait, et redécouvrait le monde avec allégresse.
Il était heureux.
Lorsque la mélodie prit fin, Marie fixait toujours Nolan dans les yeux.
Elle les ferma, et baissa la tête. Ses mains refermés sur ses genoux, elle prit une profonde inspiration, apaisée.
Finalement, elle le regarda.
« -Merci. » Elle sourit.
« -... Nolan. » HRP :
-Marie est toujours avec Nolan.
FIN DU RP POUR MOI LE DERNIER JOUR D'OUVERTURE OUAIS JE SUIS QUELQU'UN DE PONCTUEL.