il n'aura pas fallu attendre
C'est complètement par réflexe que Magnolia parvient à attraper le poignet d'Itzan avant qu'il ne se jette sur la trajectoire du Direct Toxic lancé par le Mouscoto. Si elle est un peu prise de court par le ton honnêtement énervé du jeune homme et qu'elle doit retenir un pas de recul, elle reste ferme dans sa décision et garde sa main, fermement, sur le poignet de son ami.

C'est pas qu'elle ne comprend pas l'instinct protecteur d'Itzan pour son starter même si elle ne l'a pas pour ses propres pokémons mais c'est tout simplement trop dangereux. Au delà de sa stature de bébé pokémon, Doudou reste un pokémon. Avec la capacité d’encaisser et de riposter. Itzan n'est qu'un humain qui ne peut juste pas se permettre de prendre des attaques pour ses pokémons.

Il se dégage fermement avant de s'avancer un petit peu, au plus grand désespoir de la rose. Il va finir par se blesser sérieusement ! Heureusement, Doudou (Doudou !) est plus conscient du danger pour son dresseur que ce dernier et lui fait signe de rester en arrière. Magnolia se mordille la lèvre, inquiète mais ne sachant pas vraiment si elle peut intervenir dans ce qui semble être une conversation sans un mot entre le duo.

Heureusement, son indécision est résolue par la victoire de Doudou qui repart aussitôt à l'assaut tandis qu'Itzan revient vers elle et Lyria. Satisfaite, elle observe, quelque peu amusée, le petit pokémon rose monter sur le dos d'Aries et partir à l'assaut, ensemble. Ça lui fait toujours chaud au cœur de les voir si proche.

À leurs côtés, Lyria coordonne son équipe, envoyant les Hexadrons à la recherche d'Agatha. La petite rousse est concentrée sur le combat, ses yeux virevoltant sur le terrain avec précision. C'est dans ces moments là que Magnolia se dit que sa jeune amie a un énorme potentiel.

Comme pour répondre à son autre inquiétude, Agatha débarque, angoissée par la disparition de son starter. L'attention de la rose se tourne immédiatement vers elle et elle pose fermement ses mains sur ses épaules, cherchant à la calmer. Elle est tient la main d'un grand monsieur rouquin qui a l'air assez costaud. Si elle lui adresse un regard suspect, Magnolia ne garde pas son attention sur lui très longtemps, préférant vérifier du regard que la brune va bien. Elle n'a pas l'air blessée, juste paniquée.

- Tout va bien Agatha, Apsu est là. Je l'ai repéré tout de suite et je le gardais à l’œil. Il s'est prit un coup du Rugit-Lune mais il est encore en forme.

Dans le fond, Robin rejoint l'assaut, profitant du caractère rond et bondissant d'Aries pour se projeter en hauteur et attaquer à son tour.

Puis, vient la riposte. Mouscoto enchaîne rapidement Doudou et la Gardevoir de Yuna. Rugit-Lune profite d'un bref moment calme pour appeler le soleil sur le terrain avant d'attaquer violemment Robin et Apsu. Ils sont terrifiants ces deux pokémons. Immenses et visiblement très endurants, les assauts multiples des élèves de l'académie ne semblent pas vraiment les affaiblir plus que ça. Bien sûr, les traces du combat se font petit à petit percevoir mais ça n'est simplement pas la même chose. De leur côté, des pokémons sont déjà tombés KO. En face … les monstres semblent inarrêtable.

Le regard de Magnolia croise celui d'Aries. Son starter est ferme sur ses appuis, le petit point de Doudou sur son dos pas vraiment handicapant pour lui. Il faut dire qu'elle l'entraîne sérieusement son mouton de combat. Et il adore ça. De son équipe, il est véritablement celui qui adore le plus l'entraînement et le combat. Elle est très reconnaissante du Collectionneur de lui avoir offert un starter aussi efficace.

Le mouton semble lui sourire depuis sa position sur le champs de bataille. Magnolai était peut-être démoralisée face au défi face à eux mais Aries ? Aries ne sait pas ce que ça veut dire, être démoralisé. Aries se bat et se bat et se bat. Aries, quand Magnolia a envie de tout abandonner, lui rappelle que c'est pas comme ça que ça marche. Ils abandonnent pas dans cette équipe. Ils sont trop forts pour abandonner. Ils passent pas des heures à courir et améliorer leurs forces physiques, leurs techniques, leurs vitesses pour accepter une défaite.

Ils peuvent simplement pas abandonner.

Si, habituellement, Magnolia n'est pas du genre à se décourager, elle doit reconnaître que la présence permanente de son starter à ses côtés, toujours prêt à partir à l'assaut ou à la soutenir est un luxe dont elle ne pensait pas avoir besoin.

Le truc, c'est qu'elle a toujours été seule. Toujours été affreusement indépendante. Elle a toujours eu du mal à se reposer sur les autres, à demander et accepter de l'aide. Elle a ses amis maintenant et elle apprend peu à peu à s'ouvrir à eux. Mais celui qui est là depuis son arrivée, sa véritable béquille, son pilier face aux terribles situations qu'offre la Pokémon Community, c'est Aries.

C'est Aries contre qui elle se blottit ces nuits où rien ne la calme et où les ombres prennent la forme de ses cauchemars. C'est Aries qui l'a vu dans tous ses états, forte et faible, courageuse et trouillarde. C'est lui, qui est toujours a ses côtés. C'est lui qui la relève. C'est contre lui qu'elle s'appuie quand le monde semble trop dur. C'est dans sa fourrure que ses doigts se glissent quand le monde devient trop bruyant.

C'est Aries.

C'est son starter.

Avant d'arriver à la Pokémon Community, elle a lu des témoignages qui décrivent le lieu qui unit un dresseur à ses pokémons. La majorité expliquent qu'un starter est toujours un peu unique dans une équipe. Il y a quelque chose qui se forme quand un pokémon est le premier qu'on obtient. Il y a quelque chose dans grandir ensemble du début à la fin. De voir comment ils évoluent en duo, s’influençant mutuellement.

Pour être honnête, ça lui faisait peur. Honnêtement peur. Parce que pour avoir un lien avec quelqu'un, il faut s'ouvrir à lui. Être vulnérable. Et Magnolia ? Magnolia a beaucoup de mal à faire ça. Elle avait peur, si peur, de détruire sa relation avec son starter avant même de le rencontrer. Le truc, c'est que le Collectionneur est probablement un peu psychique et qu'il sait toujours faire les meilleurs duos. Aries a regardé sa petite dresseuse et ses névroses et a fait ce qu'il fait de mieux. Il a courut tout droit dans le mur. Il a défoncé tous les obstacles entre lui et le cœur de la rose. Et maintenant ? Maintenant, Aries est probablement son meilleur allié.

Alors, quand la situation semble aussi complexe, aussi impossible, ça ne l'étonne qu'à moitié qu'il soit là, prêt à la remotiver. Peut-être que d'habitude, il se serait contenté d'un regard. Peut-être a-t-il senti qu'il lui fallait quelque chose d'un peu plus impactant. Un peu plus … spectaculaire.

Et puis bon, il peut pas se laisser doubler par l'autre taré de lapin, hein ?

Magnolia, le regard rivé sur son starter, le voit disparaître dans une explosion de lumière blanche. Elle laisse un léger rire lui échapper, les yeux brillants. C'est bien son style. Il ne peut juste pas évoluer calmement dans un environnement contrôler. Noooon, Aries se doit de faire de son unique évolution un véritable spectacle.

Il ne faut pas longtemps pour que la transformation se termine. Le Moumouton grandit, devient encore plus fluffy et développe de longues cornes qui partent vers l'arrière. Son chromatisme reste similaire à sa pré-évolution. Son corps noir et sa fourrure parfaitement blanche, au delà de la poussière du combat. Elle a hâte de le voir tout propre.

En attendant, avec l'ajout massif de fourrure, Doudou a complètement disparu. Il met quelques secondes à s'extirper de la laine, escaladant difficilement le dos du pokémon pour se placer, au niveau de sa nuque, juste avant sa tête, histoire de pouvoir y voir quelque chose. Elle va peut-être devoir organiser quelque chose avec Itzan, si Doudou compte passer du temps régulièrement sur le dos de son starter … Une selle peut-être ?

- Aries !!! Double-Pied !

Le temps des félicitations viendra plus tard. Le, plus si petit que ça, pokémon part à l'assaut, son compagnon s'accrochant à ses cornes. Il se prépare à sauter et a effectuer deux puissants coups de pieds au dragon antique.

Excellent.

il n'aura pas fallu attendre
Les attaques s’enchaînent sans cesse. Elles viennent de tous les côtés et tout le campus semble s’être réunit pour défendre ce qui est devenu leur maison. Mais ça ne suffit pas. Ça ne suffit pas et il ne faut pas être un expert en combat pokémon pour le comprendre. Les attaques, même les puissantes, handicapent à peine les deux monstres et peu à peu, les élèves semblent perdre espoir.

Magnolia ne peut pas vraiment leur en vouloir, elle fait pas bien la maligne de sa position. Elle tente de rester concentrée, de ne pas se laisser démoraliser mais voir les plus puissants dresseurs de Leiar et Adala s’acharner sur le duo pour que ça n’est au final, pas vraiment d’effets … ça lui fait réaliser l’ampleur de la confrontation, l’ampleur du combat. Et quelque part, ça lui fait réaliser à quel point elle est minuscule.

Aries se prend un violent Lance-Flamme, n’ayant pas pu esquiver le torrent de feu suite au Séisme qui visait Doudou, sur son dos. Magnolia grogne un peu en constatant l’attaque et sa réussite. Son Moumouflon se défend bien et sa toison lui apporte généralement un sacré avantage … le feu par contre … ça le détruit rapidement et il ne faut pas longtemps pour que son starter pose genoux à terre et tombe KO. Doudou n’est pas long à suivre derrière et avant qu’elle ne puisse entraîner Itzan a sa suite pour aller sortir leurs équipiers du champ de bataille, deux voix s’élèvent.

Aniline puis Catia s’interposent entre les deux hommes et resserrent le poing. Si Magnolia n’a pas vraiment d’affect pour l’une ou l’autre, Catia reste une responsable de Pôle. Elle trouve quelque peu choquant de réaliser qu’une des professionnelles responsables de guider les élèves de l’académie se retrouve embrigadée dans toutes ces affaires.

Personne n’a vraiment le temps de réagir avant que les deux duos ne partent sur le dos de leurs titans. Le calme retombe peu à peu sur le campus et il y a un moment où personne ne semble vraiment comment réagir. Puis Robin revient vers eux, tirant derrière lui les corps inconscients d’Aries et Doudou. Magnolia ne perd pas de temps à rappeler son équipier pendant qu’Itzan attrape son propre starter. La rose tapote l’épaule du Lockpin, le remerciant sans un mot.

Elle inspire fortement et porte son regard sur le campus. C’est un champ de mine. Une zone de guerre. Certains bâtiments sont détruits, il y a des blessés, des KO et un désordre grandissant. Certains des plus âgés tentent de garder leurs calmes pour guider les plus jeunes mais dans l’ensemble, ça ne ressemble pas à grand-chose et le chaos grandit.

Alors qu’elle allait faire signe à ses amis qu’ils feraient bien de rejoindre les efforts de groupe, une voix résonne fortement dans leurs esprits. Il n’est pas difficile d’en identifier la source. La Méga-Gardevoir de Yuna, la spécialiste du type feu qui a été un pilier dans la riposte face au Coven et la Section, hurle sur sa dresseuse et par la même occasion hurle dans la tête de toute personne suffisamment proche pour entendre.

Un regard suffit à conceptualiser la situation. Yuna est pliée en deux, les mains sur le ventre mais tente quand même d’aider les autres. Sa Gardevoir, bientôt rejointe par une énorme Pyrax sont grandement opposée à l’activité physique de la dresseuse. Jusque-là, Magnolia peut comprendre et elle allait s’approcher vers le trio pour rassurer Yuna, ils sont suffisamment nombreux pour se passer d’elle si elle a besoin de soin.

Mais la Gardevoir ne s’arrête pas là.
Et annonce à Yuna qu’elle va accoucher.

Les yeux de Magnolia s’écarquillent. Au vu de la position de Yuna, de celle de ses mains et de la détresse dans la voix de la Gardevoir … un accouchement maintenant n’est pas des plus sûrs. Elle s’y connaît pas bien mais dans l’ensemble, elle sait qu’une situation de stress est à éviter pour les femmes enceintes, surtout celles dans les dernières semaines.

Elle aborte tout mouvement. Se fige. Et fixe le trio et leur confrontation. Elle observe avec horreur la Pyrax attraper sa dresseuse pour l’emmener de force vers l’hôpital, sans aucun doute surchargé et elle … elle panique. Le truc c’est que Magnolia, personnellement, ne connaît personne qui a accouché. C’est pas vraiment un univers qu’elle maîtrise. Il n’y avait pas beaucoup de femmes dans son entourage à Volucité et que tout concept de maternité est très éloigné de sa réalité depuis toujours.

Le truc c’est qu’en naissant, Magnolia a tué sa maman.

Comment on dit ? Une vie pour une vie ?

Le truc, c’est que son père ne lui a jamais laissé oublier ce fait. Sa mère est morte son nom sur les lèvres après un accouchement affreusement difficile. Elle n’a jamais pu la tenir dans ses bras et elle n’a jamais pu la voir. Elle s’est éteinte avant même que Magnolia ne soit vraiment née. C’est la première tragédie de sa vie. C’est la clé de voute, le premier moment, un parfait prélude à la misère qui a suivit et tout ça, tout ça, c’est de sa faute.

Voir Yuna, partir ainsi en catastrophe, entourée de ceux qui l’aiment et elle voit bien le garçon aux cheveux bleus ouvrir de grands yeux étonnés face à l’annonce, c’est terrifiant. Et si eux aussi, ils perdaient cette personne si importante ? Si eux aussi perdent la maman pour l’enfant, est-ce qu’ils seront capables de l’aimer ?

Qu’est-ce qui est pire ? Qu’ils n’y arrivent pas ? Ou qu’ils y arrivent et que Magnolia soit confrontée au fait que c’est elle le problème. Que si son père ne peut pas la regarder sans voir quelqu’un d’autre, sans voir sa femme ou sa meurtrière, c’est parce que c’est tout ce qu’elle peut être au fond. Le pauvre reflet de la personne la plus importante du monde et la personne qui a apporté le malheur. Au final, est-ce que c’est pareil pour tout le monde ? Ou est-ce que c’est juste qu’il y a quelque chose de pourri dans Magnolia ? Est-ce qu’elle portait quelque chose en elle d’aussi terrible pour que sa mère ne puisse même pas la voir ?

Elle en sait rien.

Ses respirations se font courtes, ses épaules se resserrent et d’instinct, elle fait quelques pas en arrières. Elle n’arrive pas à lâcher du regard la silhouette de Yuna entourée de son équipe et petit à petit ses mains se mettent à trembler. Quelque part dans son malheur, ses pieds se sont figés sur le sol, l’empêchant de tomber sur le sol.

Sa bouche s’ouvre puis se referme. Les mots se mélangent sans cesse et au final, rien ne sort à part ses respirations de plus en plus saccadées. Sa main cherche vainement la fourrure d’Aries, quelque chose de familier, de confortable pour oublier le passé et sa réécriture face à elle mais il n’est pas là, il n’est pas là parce qu’il s’est battu pour la défendre et que lui aussi …

Que lui aussi, il est plus là.

Le monde se vide et il n’y a plus personne. Personne d’autre que Magnolia et la silhouette de plus en plus petite d’une maman qui ne pourra peut-être pas serrer son enfant dans ses bras.  

il n'aura pas fallu attendre
C’est comme si elle était déconnectée. Comme si un voile se plaçait sur le monde. Elle se sent partir, s’éloigner et c’est une sensation qui est familière. Qui était familière ? Elle sait pas trop, elle ne saurait pas vraiment l’expliciter. A la PC, ça n’arrive pas souvent mais parfois, à la maison, le voile venait se poser sur ses yeux et elle pouvait s’enfuir quelque part loin. Elle peut se détacher de toutes les choses qui se passent autour d’elle, bonnes et mauvaises et pendant quelques bénites minutes, elle ne ressent rien.

Elle est pas sûre de pourquoi Yuna la fait réagir ainsi. Pourquoi toutes ces émotions si soigneusement enfermées au plus profond d’elle depuis si longtemps décident aujourd’hui de ressortir mais vraiment, elle se sent peu à peu se déconnecter. Elle sait qu’elle tremble et que ses yeux s’achèchent à force de fixer la silhouette de Yuna. Elle sait qu’elle respire difficilement et elle sait que demain, ses épaules seront douloureuses à cause de la tension qu’elles contiennent maintenant.

Elle sait tout ça mais elle s’en va.

Alors ça n’a pas vraiment d’importance. C’est pas grave si elle s’effondre, si elle se courbe sur elle-même. C’est pas grave si elle n’arrive pas à respirer et à parler et à sourire. C’est pas grave si elle abandonne tout le monde autour d’elle dans une situation critique. Tout ce qui compte pour le moment, c’est la distance entre elle et le monde. C’est cette protection, cette épaisse cape d’indifférence dans laquelle elle se drape avec l’aisance d’une habituée.

Son corps s’effondre et son esprit s’évade.

Elle en a jamais vraiment parlé. De cette capacité à quitter son corps quand tout va mal ou que tout est trop bruyant. Il faut dire qu’elle ne l’a jamais vraiment ressenti à Leiar. Brièvement, dans les situations les plus stressantes mais une complète désassociation ? Il faudrait remonter à Volucité et l’annonce de sa bourse à son père. Oui, c’est probablement ce jour-là qu’elle est partie aussi loin. Le truc c’est que c’est pas qu’elle aime ce sentiment d’éloignement de tout. Oui, ses émotions sont mutées, oui, elle ne ressent pas vraiment la douleur physique et oui, il y a un certain confort dans le calme de son propre esprit, mais c’est si … solitaire.

A chaque fois qu’elle part, personne ne remarque. Personne ne cherche à la ramener. Personne n’est là pour l’ancrer dans la réalité. Souvent, elle s’enfuit quand elle est seule dans sa chambre ou qu’en face d’elle, son père gronde et hurle et frappe.

La silhouette de Yuna a depuis bien longtemps disparu de son champs de vision et c’est d’autres cheveux bleus qui ont pris sa place. Si elle devait tenter d’expliquer ce qu’elle ressent quand elle est aussi loin de son corps, elle dirait que c’est une sorte de déconnexion, un mode de veille. Ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas reconnaître son ami face à elle. Ça ne veut pas dire qu’elle ne peut pas comprendre qu’il lui parle, doucement et gentiment parce que c’est Itzan. Ça ne veut pas dire qu’elle l’entend, il y a comme du brouillard dans ses oreilles. Ça ne veut pas dire qu’elle ne reconnaît pas l’inquiétude dans son regard. Si elle était plus présente, elle reconnaîtrait probablement qu’elle en est désolée. Elle ne veut vraiment pas l’inquiéter, il s’inquiète déjà bien trop. Mais elle n’a pas vraiment contrôle sur son propre corps. Elle n’a pas vraiment contrôle sur ce qu’elle fait. Alors elle ne peut pas se reprendre, respirer plus doucement et calmer la panique grandissante qui l’anime. Elle n’y peut rien. Elle est tout aussi spectatrice que lui.

Au bout de ses doigts, il y a une sensation. Un premier lien. Une première ancre. Itzan force ses yeux dans ceux de Magnolia et lentement, articule son envie de la serrer fort contre lui. Il ne veut rien contre son grès cependant. Quelque part, loin de tout, un sourire se dessine dans l’âme de Magnolia. Il est toujours si attentif. Elle est encore si loin et parler est peut-être encore trop dur mais le poids de ses doigts entre les siens suffit à lui faire bouger la tête.

Itzan n’hésite pas plus et l’entoure de ses bras et la serre contre lui. Fort. Comme il l’avait promis. Ils font à peu près la même taille. Magnolia a bien entamé sa puberté et sa croissance là où Itzan la démarre doucement. Sa tête vient naturellement se poser sur son épaule, front contre torse, désespérée pour un contact. Les bras d’Itzan sont ferment rivés autour de Magnolia l’entourant complètement.

Petit à petit, elle se sent regagner son corps. Son corps qui respire toujours de manière saccadé et qui souffre et qui panique et pendant un instant, elle veut pas. Elle veut rester dans cet entre-deux. Elle veut garder les bras d’Itzan et le coton de son esprit. Elle ne veut pas de la panique et de la peur et de toutes ces mauvaises émotions et le moment où elle souhaite est le moment où tout se termine et où tout lui revient. Elle enfonce sa tête plus profondément dans l’épaule d’Itzan, ses mains viennent agripper son t-shirt et elle prend quelques profondes inspirations.

Il murmure dans son oreille mille et une petite phrases de réconfort, plus visées à confirmer sa présence qu’autre chose. La lourdeur de ses émotions, des vannes qui s’ouvrent et qui libèrent tout ce qu’elle refoule la font presque vaciller. Ses respirations se refont plus rapides et peu à peu, se transforment en sanglots. Ses épaules se secouent violement et elle commence à pleurer.

Elle pleure en silence, trop consciente de tout ce qui l’entoure soudainement. Ses amis, les adultes, ses camarades de classe et tout ceux qui habitent cette île et qui la connaissent comme ce mont de rigueur et de droiture. Elle n’a jamais voulu ça, elle n’a jamais voulu qu’ils la voient comme ça, sans force et complètement vidées et cette constatation plus toutes les émotions qu’elle ne sait pas comment différencier, la font trembler et pleurer d’autant plus fort.

Elle pleure et elle tremble et elle s’accroche à Itzan et pourtant, dans tout ça, elle ne fait pas un bruit. Pas un son. Juste elle et sa tristesse et la firme certitude qu’absolument personne ne doit l’entendre.